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Wilhem Latchoumia au 1er Festival Palazzetto Bru Zane - Un clavier flamboyant

Depuis Roger Muraro, le piano français n’avait pas vu débarquer un pianiste tout à la fois aussi athlétique et profondément musicien. La victoire de Wilhem Latchoumia (né en 1974) au Concours d’Orléans en 2006 fut une authentique révélation pour tous les auditeurs présents et ne souffrit pas l’ombre d’une discussion. Depuis, le charismatique interprète lyonnais va son chemin de singulière façon, toujours très attaché à la musique de la seconde moitié du XXe siècle et à la création, mais s’ouvrant aussi avec bonheur à des chapitres plus anciens de l’histoire musicale. Après une très belle incursion dans le répertoire latino-américain (son enregistrement du Cycle brésilien de Villa-Lobos compte parmi les plus beaux du catalogue), Latchoumia s’est lancé, à l’instigation de la Fondation Bru Zane, dans un programme de transcriptions wagnériennes que l’on a pu apprécier à la rentrée dernière lors d’un concert vénitien (1).

Le 1er Festival Palazzetto Bru Zane, qui se tient du 8 au 10 juin au Théâtre des Bouffes du Nord, offre le plaisir de retrouver Latchoumia dans ces pages wagnériennes. Dans une partie d’entre elles en tout cas car, centenaire de la naissance d’Alkan oblige, le pianiste fait place aussi à un ouvrage du « Berlioz du piano » : les Esquisses op 63. « Des pièces harmoniquement étranges, c’est pour cela que les ai choisies, confie-t-il. Techniquement et pianistiquement, c’est vraiment différent de Liszt ; auteur je considère comme « facile », car il correspond à un placement de main naturel. Alkan en revanche présente des petites formules assez particulières qui lui sont propres. Même si l’on a parfois l’impression d’entendre du Liszt, sa main n’était pas même. »

Depuis la rentrée dernière, Wilhem Latchoumia a souvent eu l’occasion de redonner son programme Wagner et de mûrir sa conception. « Je vais vers quelque chose de plus en plus orchestral, constate-t-il. Dans la paraphrase d’Hugo Wolf sur La Walkyrie, je m’autorise des réaménagements afin de faire mieux sonner les choses, d’obtenir un meilleur équilibre entre les voix, etc. J’ai beaucoup réécouté les opéras de Wagner depuis que je suis plongé dans ce programme, beaucoup parlé avec des musiciens d’orchestre aussi».

Outre des transcriptions rares (signés Alfred Jaëll, Louis Brassin ou Hugo Wolf), le récital de Wilhem Latchoumia présente la particularité d’inclure la précoce Fantaisie pour piano en fa dièse mineur (1831) du futur auteur de Tristan. Là encore, la conception a évolué : « je prends beaucoup plus de libertés dans cette œuvre, il s’agit d’une fantaisie ; la partition ne comporte que peu d’indications. J’insiste sans doute plus aussi sur les citations mozartiennes, sur certains accents très schubertiens aussi. »

Dans les douze mois qui viennent, Latchoumia aura souvent l’occasion de reprendre ses programmes Wagner et Alkan/Wagner – ce sera le cas dès le 16 juin (1), durant la riche 10ème édition du Lille Piano(s) Festival. Mais la musique d’aujourd’hui demeure très présente dans son univers. Parmi les temps forts à venir, la création d’une œuvre nouvelle pour piano solo de Mikael Urquiza, jeune élève de Gérard Pesson, lors de la Quincena Musical de San Sebastian (le 22/08/2013) lui tient beaucoup à cœur. On le retrouvera aussi au Festival Musica à la rentrée, pour la suite de sa fructueuse collaboration avec le compositeur Pierre Jodlowski : après Série noire, Série blanche et Série C, Série bleue est annoncée ! Musica-Strasbourg sera par ailleurs marquée par la création d’une pièce concertante pour piano et ensemble de l’Italien Francesco Filidei.

Pour l’instant, c’est aux Bouffes du Nord qu’il faut courir entendre le flamboyant piano de Latchoumia, dans le cours d’une manifestation qui n’est que surprises et bonheurs pour le mélomane. Outre le récital Alkan/Wagner, on y trouve un concert Théodore Dubois-Reynaldo Haydn, par David Violi et le Quatuor Ardeo, le Trio Chausson dans Chaminade et Chausson et, en conclusion, le duo Jean-François Heisser-Marie-Josèphe Jude pour un programme où Wagner transcrit par Debussy et Gouvy tiennent compagnie à la Symphonie fantastique de Berlioz dans la version pour deux pianos de J .F. Heisser. D’un bout à l’autre, vrai régal pour les curieux !

Ils peuvent dès présent prendre date pour 2014 : la 2ème édition du Festival PBZ aux Bouffes du Nord se tiendra du 14 au 19 juin, marquée en particulier par la résurrection de l’opéra-comique Le Saphir de Félicien David.

Alain Cochard

1er Festival Palazzetto Bru-Zane
Du 8 au 10 juin 2013
Paris- Théâtre des Bouffes du Nord

Récital de Wilhem Latchoumia
Œuvres de Alkan, Wagner, Wagner/Jaëll, Wagner/Liszt & Wagner/Wolf
9 juin 2013 – 15h

Nouveau Siècle, Salle Québec à 16h

(1) Lire l'article

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Photo : Yves Vernin
 

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