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Vivaldi & Venise - Un maître de l'opéra vénitien à Venise

Riche de plusieurs révélations majeures, la vague vivaldienne qui depuis vingt ans déjà, dévoile les trésors oubliés du compositeur italien, permet de mesurer aujourd'hui son écriture à l'aune de son époque. Une période extrêmement foisonnante sur le plan des idées, exigeante aussi si l'on considère la singularité de Venise au début XVIIIe siècle. La Cité des Doges, règne incontestablement sur la scène musicale : toute la société, riches et pauvres, se rend au concert, dans les églises, dans les salons privés, au théâtre. Depuis 1637, où fut inauguré le premier opéra public, où chacun peut payer sa place, le chant s'impose. L'économie lyrique y occupe princes et patriciens, impresarios et compositeurs. Plusieurs théâtres font et défont les carrières. Un public mélomane de plus en plus difficile y conspue ou y célèbre auteurs et chanteurs.

Aucune autre ville en Europe ne connaît pareille fièvre populaire qui fait de la Cità, la première ville des plaisirs. L'âme de Venise, c'est sa propension à la féerie et au spectacle. Le Carnaval répond à cette fureur collective : du premier dimanche d'octobre jusqu'à mi décembre, puis du 26 décembre jusqu'au Mardi Gras, enfin pendant les deux semaines suivant l'Ascension, soit du vivant de Vivaldi, près de six mois de l'année, l'esprit de la fête règle la vie quotidienne. Chacun, indigène ou visiteur, Doge, prince, valet, boutiquier ou antiquaire déambule masqué, animé par le désir de jouir, attisé par la promesse des rencontres fugaces, sur le rythme endiablé de la musique. Les musiciens, compositeurs et interprètes y ont élu résidence car Venise leur offre des perspectives d'engagement sans commune mesure avec le reste de l'Europe.

L'opéra y occupe une place centrale : sa richesse visuelle, ses effets vocaux et instrumentaux, l'énergie fascinante qu'elle exerce sur les publics manifestent naturellement cet essor de la magie et des enchantements. Casanova précise : "on voit la noblesse mêlée au peuple, le prince avec le sujet, le rare avec l'ordinaire, le beau avec l'horrible. Il n'y a plus ni magistrats ni lois en vigueur". Le Carnaval actuel est loin d'atteindre le délire de liberté et de folie qu'a pu connaître Vivaldi et ses contemporains. Au sein de cette peinture où l'exubérance le dispute à l'art, où finalement la création trouve un lieu propice à son déploiement, Antonio Vivaldi paraît tel un génie méconnu bien que musicien renommé, dont le talent premier est le combat permanent qu'il mène avec sa "tribu" pour se maintenir.

Alexandre Pham

Photo : David Tonnelier
 

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