Journal

Valentin Tournet en récital - La grâce et l’émotion - Compte-rendu

L'énigmatique Folià apparaît dans la péninsule ibérique vers la fin du XVe siècle. Danse d'origine vraisemblablement portugaise, elle est d'abord associée à des personnages pastoraux ou populaires, bergers et paysans en général ; d'où l'ardeur débridée de ses rythmes. De toute façon, l'appellation semble assez ancienne, puisque le dramaturge Lope de Vega, un siècle plus tard, demandera aux musiciens d'une de ses pièces (La hermosa Ester) de chanter «al tono de la locura» (littéralement, sur la mélodie de la folie), preuve que le terme était déjà connu comme synonyme de déraison.

Dès ce moment donc, la folia, danse dont on ne guérit pas, a acquis valeur d'emblème, modèle dont la fortune sera européenne, soit à partir de déchants standards, soit à partir de variations (differencias) d'une haute virtuosité. Dans ce répertoire rendu à la vie, les noms des acteurs d'aujourd'hui nous sont familiers, à commencer par Jordi Savall, le maître de la viole avant tous les autres : un idéal baroque, en quelque sorte, dont tous les styles de ré-interprétation sont sortis, générateurs de l'irrésistible réveil actuel.

Dans son sillage, de très jeunes talents sont prêts à assumer la relève. A l'image de Valentin Tournet dont on peut dire qu'il a reçu tous les dons du violiste en partage. A l'initiative de l'association La Chapelle Harmonique, ce premier prix de viole de gambe, de musique de chambre et de formation musicale à l'âge de quatorze ans, vient de donner un récital captivant sur son instrument d'élection (une gambe à 7 cordes à la française) en la chapelle de la basilique Sainte-Clotilde à Paris.

De l'Allemand Girolamo Kapsberger (vers 1580-1651), virtuose du luth établi à Rome, au point d'y être salué comme Il Tedesco della Tiorba, au Tolédan Diego Ortiz (1510-1570), auteur d'un célèbre tratado de Glosas (autrement dit, de variations), et surtout à ces chefs-d'oeuvre absolus du répertoire que sont les Follias de Corelli, premier pas franchi vers le classicisme, et les Folies d'Espagne de Marin Marais, violiste favori de Louis XIV à Versailles, l'archet de Valentin Tournet semblait habité par la grâce, «plus belle encore que la beauté», comme l'a écrit un certain fabuliste. Sans poursuivre, on souhaite un vif succès à l'actuelle tournée nationale (avec le même programme) de l'intéressé, idéalement à l'aise dans un registre où les aficionados ont toujours préféré l'émotion au brio.

Roger Tellart

logo signature article

Paris, chapelle de la basilique Sainte-Clotilde, 16 juin 2012

Dates des prochains concerts de Valentin Tournet : www.lachapelleharmonique.fr

> Lire les autres articles de Roger Tellart

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles