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Une interview Michel Piquemal, chef du Chœur Vittoria Île-de-France – « Je reste habité par la même passion qu’au début de ma carrière »

Belle année 2018 pour Michel Piquemal et son Chœur Vittoria Île-de-France, ponctuée de reprises magnifiées par des collaborations avec des artistes tels que Bartabas, le chorégraphe Julien Lestel ou le compositeur Martin Palmeri.
 
Du Puy du Fou au Saint-François d’Assise de Gounod, en passant par la Misatango de Palmeri, le Chœur Vittoria Île-de-France est sur tous les fronts ...

Michel PIQUEMAL : C’est vrai et j’en suis content, mais Vittoria reste un chœur amateur et il est à la limite de ce qu’il peut faire, à savoir quinze concerts par an. Mais les choristes sont passionnés et demandeurs, en partie parce que l’ensemble s’est rajeuni avec l’arrivée de nouveaux membres. Ce sont donc deux générations qui aiment chanter ensemble. Ceci étant, les choristes amateurs sont les mêmes partout et c’est le travail et la ténacité qui font la différence. J'insiste particulièrement sur la couleur, la sensualité et l’abandon à la musique. Je les pousse à se laisser prendre par elle et à donner l’impression qu’ils improvisent ou qu’ils chantent une chanson. Enfin, les choristes apprécient que je les sorte du répertoire habituel des chœurs amateurs pour aborder des œuvres nouvelles comme la Misatango ou les compositions de Caillebotte et Tomasi.

Martin Palmeri © MGrinand

Quelles sont ces œuvres et en quoi sont-elles différentes ?

M.P: A la fin du mois de mars, nous sommes entrés en studio pour enregistrer l’hymne final de la Cinéscénie 2018 du Puy-du-Fou, composé par Nick Glennie-Smith. Une prestation qui a enchanté Philippe de Villiers. Début mai, à l’Opéra de Massy, nous redonnons la Misatango de Martin Palmeri, avec l’Orchestre Pasdeloup, Gilberto Pereyra au bandonéon, Thomas Tacquet au piano et la mezzo Sophie Hanne en soliste. Ce sera une première mondiale grâce à deux nouveautés. J’ai d’abord demandé au compositeur d’étoffer sa partition d’une introduction et, comme cela se faisait au XIXe siècle, d’un offertoire instrumental. J’aime l’idée qu’une œuvre évolue dans le temps et, comme Martin Palmeri apprécie de travailler avec nous, il a accepté. L’autre nouveauté tient au fait que la Misatango, ainsi que les œuvres d’Astor Piazzola qui la précéderont (Libertango, Milonga de Angel et Adios Nonino), seront chorégraphiées et dansées par Julien Lestel, son assistant Gilles Porte et leur Compagnie de ballet. Martin Palmeri sera présent au concert pour apprécier le résultat.

Le Requiem de Mozart, lors des représentations salzbourgeoises sous la direction de Marc Minkowski © DR

Qu’en est-il de votre collaboration avec Bartabas autour du Requiem de Mozart à la Grande Halle de la Villette du 15 au 20 mai ?

M.P. : Nous chanterons le Requiem à cinq reprises sur une chorégraphie équestre. Cet événement a été organisé par notre ancienne administratrice, Cécile Berthelot, qui a rejoint l’équipe de Bartabas et nous a mis en relation. C'est là une belle réalisation qui s’ajoute à celles que les différents administrateurs du Chœur m’ont proposées au fil du temps grâce à leur vision de l’évolution du monde du spectacle. A chaque fois, ils m’ont poussé à risquer l’aventure et les échanges que j’ai eus avec eux ont toujours créé une alchimie conduisant au succès. S’ajoute évidemment à cela le soutien de la Région Île-de-France depuis trente ans.

Qu’est-ce qui singularise ce Requiem « avec chevaux » ?

M.P. : Nous le donnons dans la version pour piano à quatre mains de Carl Czerny. Cette version minimaliste mettra particulièrement en valeur le chœur qui, en accord avec Bartabas, sera placé en hauteur afin que que le public le voie. Je n’entrevois pas de difficulté dans la direction du chœur, hormis le fait que Bartabas m’a demandé d’ajuster certains tempos à l’évolution des chevaux et qu’il me faudra aussi prendre en compte la réverbération du son. Mais je trouve passionnant de devoir s’adapter aux demandes d’un intervenant et à un lieu.

© Sylvain Bachelot

Quels seront les autres temps forts de l’actualité de Vittoria par la suite ?

M.P. : Les 25 et 26 juin, nous participerons aux soirées « Sacré Rossini » organisées par Radio Classique au Théâtre des Champs-Elysées, sous la direction de José Miguel Pérez-Sierra et avec la participation de Karine Deshayes, Chloé Chaume, Kévin Amiel, Armando Noguera, Jean Teitgen et de l’Orchestre national d’Ile-de-France. Puis, le 29 juin, non rendrons notre propre hommage au compositeur en chantant La Petite Messe solennelle à Chaville. Enfin, le 6 octobre, Vittoria reprendra le Saint-François d’Assise, de Gounod, que nous avions créé en 1996, avec en ouverture les Fanfares Liturgiques d’Henri Tomasi.

Une autre reprise importante puisque c’est aussi en 1996 que vous aviez enregistré les Fanfares Liturgiques avec le Chœur Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour rester avec Tomasi, reprendrez-vous bientôt le Requiem pour la Paix qui les accompagnait ?

M.P. : J’y pense et j’aimerais bien, car l’œuvre a rarement été entendue depuis sa création, en 1946. Mais elle est difficile, à la fois parce qu’elle nécessite un orchestre de 80 musiciens, ce qui est onéreux, et parce qu’elle débute dans le chaos, les grands coups de timbales et de fanfare figurant l’explosion des bombes allemandes tombant sur Marseille pendant la guerre. Mais auparavant, soit en décembre, soit en janvier, nous chanterons le Magnificat de Martin Palmeri. C’est une œuvre bien faite pour le Chœur Vittoria, mais plus difficile, en particulier pour les solistes.

( de g. à dr. ) Martial et Gustave Caillebotte © DR

Comptez-vous poursuivre l’exhumation d’œuvres de Martial Caillebotte ?

M.P. : Oui, car les descendants retrouvent encore des œuvres inédites dans leur grenier. Mais ils craignent que la musique de Martial (1853-1910) ne dévalorise les peintures de son frère Gustave (1848-1894). Pourtant, la musique de Martial est très symboliste et marquée par une relation forte avec le texte. Sa Messe solennelle présente ainsi treize leitmotive se rapportant à Dieu, Marie, la Trinité ou la mort, ce qui la rapproche de la musique wagnérienne. Elle ouvre aussi des portes vers la musique de Richard Strauss et du XXe siècle. D’ores et déjà, dans le musée familial, Martial Caillebotte n’est plus présenté comme un photographe, mais comme un musicien et la visite de la maison de vacances des Caillebotte, à Yerres, s’effectue au son des pièces de Martial que nous avons enregistrées. (1)

Une toile d'Alfred Swieykowski © DR

Vous donnez l’impression d’être au mieux de votre forme. Quel est votre secret ?

M.P. : Je reste habité par la même passion qu’au début de ma carrière. Mon métier m’a donné la chance inouïe de travailler sans en avoir jamais eu l’impression et j’ai aussi une bonne nature : j’aime la vie, les gens, mon métier et je ne cours pas après les chimères. Je suis content de ce que j’ai fait, j’ai gagné ma vie et je peux vivre sans compter. Je me soigne, je nage un kilomètre chaque jour et, tant que je me sentirai bien, je continuerai.
Et puis, je pratique la restauration de tableaux. J’ai toujours acheté des tableaux et je me suis tellement passionné que j’ai voulu apprendre à les restaurer car, avec le temps, les vernis jaunissent. Je suis donc allé voir une antiquaire du Louvre qui m’a enseigné par l’exemple comment faire. Depuis, j’achète des toiles dans les brocantes, je les restaure et elles repartent pour 150 ans !
Je me suis aussi pris de passion pour un peintre français d’origine polonaise : Alfred Swieykowski (1869-1953). Il était comte, proche de la comtesse Emmanuela Potocka dont il fréquenta le salon. Il a peint toute sa vie dans un style post-impressionniste, mais sans chercher à vendre. Je possède à présent près de deux cents de ses tableaux et j’en achète encore, en France ou à l’étranger. Ma nouvelle acquisition m’arrivera bientôt de Norvège.

Propos recueillis par Michel Grinand le 3 avril 2018

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(1) Messe solennelle de Pâques (1CD Sisyphe 020) & Dies Irae, Une Journée, Psaume 132 (Hortus 117)

Prochains concerts :
- 2 et 3 mai 2018, à 20h, Opéra de Massy (91) : Misatango, de Martin Palmeri, sur la chorégraphie de la Compagnie de Julien Lestel 
- Du 15 au 20 mai 2018, Paris, Grande Halle de la Villette : Requiem de Mozart, avec l’Académie équestre de Bartabas (version piano à quatre mains ou deux pianos) 
- 31 mai, à 19h30, Paris Conservatoire à Rayonnement régional (75008) : Répétition publique du Requiem de Mozart
- 25 et 26 juin, à 20h, Paris, Théâtre des Champs Elysées : « Sacré Rossini », avec Radio Classique
- 29 juin, à 20h30, Atrium de Chaville (92) : Petite Messe solennelle de Rossini
- 6 octobre 2018 à 15h à l'Eglise Saint-Augustin (Paris, 8e) : Saint-François d’Assise de Gounod & Fanfares Liturgiques de Tomasi
Pour plus d'infos : choeurvittoria.fr/

Photo Michel Piquemal © Marie-Louise Le Goff / www.1001images.fr

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