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« Un monde sonore foisonnant, maîtrisé, complexe, très imaginatif »Jean-Yves Ossonce dirige Pastorale de Gérard Pesson


2009 marque le dixième anniversaire de l’arrivée de Jean-Yves Ossonce à la tête de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours. Belle marque de reconnaissance de la qualité du travail accompli depuis lors par les musiciens tourangeaux que l’invitation du Châtelet à participer à la création scénique mondiale de Pastorale, opéra en quatre actes de Gérard Pesson. J.Y. Ossonce ne cache pas son plaisir de défendre « une œuvre très intéressante, qui sort des sentiers battus du répertoire ».

Le chef n’est pas étroitement associé à la musique contemporaine dans les esprits ? « On associe beaucoup trop les interprètes à des répertoires, regrette-t-il. C’est une maladie de notre époque que de nous mettre dans de petits tiroirs, ce qui fait que les chefs, tels que moi, catalogués comme un peu traditionnels et lyriques – ce qui est encore pire – on « juridiquement » le droit de diriger de Mozart à 1950. Après ils sortent de leur champs de compétence naturelle. Et de la même façon, ça empêche un collègue « spécialisé » en contemporain d’être considéré comme un chef chaleureux pour diriger Bohème. Ces classifications sont complètement idiotes !

Ce qui est drôle c’est que, passé un certain âge on admet que les chefs sortent de leur domaine. Regardez Muti : il s’est toujours passionné pour la musique napolitaine du 18e siècle, mais maintenant qu’il est à un stade où il fait ce qu’il veut, il fait ses débuts lyriques à Paris dans une œuvre de Jommelli. De la même façon on admet qu’Abbado fonde des orchestres pour diriger en tenant compte de tout ce dont il a essayé de convaincre des orchestres plus traditionnels pendant des années. Il y fait Mozart comme il pense devoir le faire.

Tous nos métiers sont fondés sur les envies, sur le plaisir que l’on éprouve à faire les choses, sur le renouvellement. J’aime beaucoup la réflexion de Dinu Lipatti qui, en faisant allusion à « Hamlet », disait : « Ne regardez jamais les œuvres avec les yeux du passé, elles finiraient par vous donner en retour le crâne de Yorick. » Je me sens dans un état de fraîcheur quand je reprends par exemple Mireille et, même si je connais très bien cette œuvre, dans ma tête j’ouvre la partition pour la première fois. A l’inverse quand je découvre une œuvre contemporaine, avec l’auteur présent près de moi, je trouve ça extrêmement enrichissant et ça me défrustre de plein de choses précises que j’aurais à demander à des compositeurs morts. »

Jean-Yves Ossonce doit avoir bien des questions à poser à Gérard Pesson, compositeur qu’il dirige pour la première fois, au sujet de Pastorale. « Il s’agit d’une œuvre d’écriture extrêmement complexe, explique le chef, la réalisation du texte écrit est déjà très difficultueuse. On trouve beaucoup de modes de jeu très inhabituels pour les musiciens, pour moi aussi donc. Des choses très précises toujours : tout ça est dans une ossature rythmique souple et même temps extrêmement travaillée. On découvre un monde sonore foisonnant, maîtrisé, complexe, très imaginatif. L’instrumentarium de percussions regorge de choses inusuelles telles que des appeaux, des bruits de scie, etc. L’instrumentarium de cloches est assez impressionnant, mais tout cela ne ressemble pas pour autant à la vulgate de la percussion contemporaine. Le compositeur crée un monde sonore en connexion avec le livret, un univers en expansion que ne se contente pas des hauteurs de notes mais organise un bruit de nature selon des critères très serrés. La flûte à bec baroque, une harpe celtique, un clavecin sont également requis. »

Le climat de Pastorale ne doit pas être pour déplaire au metteur en scène. « Je connaissais le travail de Pierrick Sorin à travers le DVD de La pietra del paragone montée au Châtelet, confie Jean -Yves Ossonce. Pierrick Sorin est un plasticien, un vidéaste, une sorte de « Géotrouvetout technique ». Je trouve belle l’idée d’avoir marié son monde esthétique avec celui d’un opéra non traditionnel. Le travail se passe très bien car c’est quelqu’un d’extrêmement sensible et tout à fait charmant. Je suis très heureux du travail de l’équipe musicale aussi car il s’agit d’une œuvre compliquée et nous avons une excellente chef de chant : Charlotte Bonneu. Je me réjouis par ailleurs de la présence à mes côtés de Stéphane Petitjean, mon assistant, un musicien de toute première force. »

A la rentrée, on retrouvera Jean-Yves Ossonce à Tours pour une saison symphonique et lyrique où le chef dit avoir cherché à « varier les plaisirs ». La programmation comprend en effet Idoménée de Mozart aussi bien que Le Téléphone de Menotti ou Les Dialogues des Carmélites de Poulenc et des concerts qui témoignent d’une grande implication de l’orchestre dans la vie musicale de la Région Centre.

Amoureux du répertoire français, Ossonce a permis la redécouverte du Pays de Ropartz, grâce à un enregistrement (Timpani) puis à une production remarquée de l’ouvrage à Tours. Une nouvelle surprise se prépare pour les curieux de raretés lyriques. En septembre en effet, Ossonce et ses musiciens enregistrent (toujours pour Timpani) Le Cœur du Moulin, opéra en deux actes de Déodat de Séverac tout imprégné des lumières et des parfums du Lauraguais.

Alain Cochard

Propos recueillis le 11 juin 2009

Gérard Pesson : Pastorale, opéra en quatre actes

Création scénique mondiale

Du 18 au 24 juin 2009

Théâtre du Châtelet

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Photo : DR

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