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Trois Questions à Robert Carsen, metteur en scène - « Tout théâtre est moderne, comme il l’était au moment de sa création »

Après un décoiffant Beggar’s Opera (1), Robert Carsen signe la nouvelle production de Orfeo ed Euridice de Gluck, présentée prochainement à Paris au Théâtre des Champs-Élysées (22-31 mai) et à l’Opéra royal de Versailles (8 et 10 juin), dans le cadre du Versailles Festival 2018. Un spectacle attendu, avec Philippe Jaroussky et Patricia Petibon dans les rôles-titres et I Barocchisti sous la direction de Diego Fasolis
 
Vous aviez déjà monté cet opéra auparavant. Comment le voyez-vous maintenant ?
 
Robert CARSEN : Oui, je l’avais monté il y a quelques années à l’Opéra de Chicago. Ma vision n’a pas fondamentalement changé. Il s’agit d’un des plus extraordinaires chefs-d’œuvre jamais écrits. C’est un thème essentiel et éternel, qui parle de la musique et de l’amour, de la vie et la mort. Une inspiration très profonde, très juste. J’adore Gluck, j’adore sa musique, j’adore son théâtre. La production que nous allons monter est basée sur la version de Vienne, la version originale en italien, Orfeo ed Euridice. La version française écrite par la suite, Orphée et Eurydice, passe de trois à quatre actes et ajoute des musiques de danse supplémentaires. L’original est plus resserré, moins d’une heure trente de musique, que nous allons donner d’un seul tenant. Dans cette action musicale, Gluck réduit tout à l’essentiel. Sa fameuse réforme de l’opéra enlève les abus dramaturgiques et musicaux, pour reconcentrer les interprètes et le public sur le drame.
 
Est-ce que vous concevez une mise en scène historiciste, dans le sens de ce qu’était l’œuvre au XVIIIe siècle, ou alors revue par notre époque actuelle ?
 
R. C. : Je ne verse pas dans une conception historiciste. Pour moi, cela n’existe pas, puisque tout théâtre est moderne, comme il l’était au moment de sa création. Il faut absolument voir Gluck comme si cela venait d’être écrit. Et d’ailleurs, cela sonne à l’oreille de manière très neuve à chaque fois. Il y a certaines œuvres qui sont ancrées dans leur époque, comme Le Chevalier à la rose par exemple. Ici, on n’est pas dans ce que j’appellerais un show comedy. On est dans des archétypes et dans des thèmes très émotionnels et poétiques, très universels. Ce n’est pas Falstaff ni même Les Noces de Figaro, qui tournent autour d’une société et de ses mœurs. Orfeo ed Euridice, c’est l’essence de la vie, hors de toute époque.
 
Nous serons donc dans une époque actuelle, ou disons intemporelle, pour votre mise en scène…
 
R. C. : Actuelle oui. Mais sans forcer. Il n’y aura pas, comme je l’ai fait récemment pour The Beggar’s Opera, des tablettes ni des smartphones… Ce sera une vision dépouillée, sans artifices. Nous aurons ainsi une production très sobre, qui se prête à cette version de Vienne, sans chorégraphies ni pauses musicales qui deviennent anecdotiques. J’essaye d’éviter des changements inutiles de décors et toute la panoplie théâtrale qui pourrait enlever le message fondamental de l’œuvre, de manière à ce que public se concentre sur l’enjeu, sans être distrait ni aborder cela comme un loisir quelconque. J’aimerais aussi saluer les artistes : avec les trois chanteurs que nous avons, Emőke Baráth, Philippe Jaroussky et Patricia Petibon, avec Diego Fasolis à la direction, tout cela est prometteur et nous allons avoir un spectacle très fort je pense.
 
Propos recueillis par Pierre-René Serna, le 25 avril 2018

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(1) Lire le compte-rendu du spectacle :
www.concertclassic.com/article/beggars-opera-au-theatre-des-bouffes-du-nord-le-retour-du-celebre-inconnu-compte-rendu
 
Gluck : Orfeo ed Euridice
22, 25, 27, 28 & 31 mai 2018
Paris, Théâtre des Champs-Élysées
http://www.concertclassic.com/concert/orfeo-ed-euridice
 
Versailles - Opéra Royal
8 et 10 juin 2018
www.chateauversailles-spectacles.fr/spectacles/2018/gluck-orfeo-ed-euridice

Photo Robert Carsen © Felipe Sanguinetti

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