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Toulouse - Compte-rendu : Mignon d’Ambroise Thomas

La mise en scène sans chichi de Nicolas Joël respecte les codes et les conventions de l’opéra romantique français, en harmonie avec les décors naturalistes et les toiles peintes d’Emilio Carcano, qui songerait à s’en plaindre ? C’est Toulouse qui a ressuscité Mignon avec cette production montée en 2001 pour Suzanne Graham.

Au XXe siècle l’œuvre s’est maintenue, Goethe oblige, quelques temps en Allemagne. La Monnaie de Bruxelles en avait présenté au tournant des années cinquante une production, dirigée de main de maître par Georges Sebastian que le disque a documenté, avec la Philine étourdissante et rouée de Janine Micheau. Sophie Koch avait la lourde tâche de succéder à Susan Graham que le public du Capitole avait plébiscitée et Yann Beuron relevait le gant après l’incarnation assez épatante de présence vocale et de beauté physique de Jonas Kaufmann.

Koch a déçu un rien : la voix s’est alourdie, il lui manque pour Mignon des aigus plus légers, une couleur plus claire – idéalement la voix du personnage c’est Von Stade, alors qu’on y distribue souvent des mezzo plus graves - et son français n’est pas toujours aussi clairement compréhensible que son allemand. Mais l’actrice est toujours assez épatante et la réalisation vocale d’une très haut niveau. Il est clair que notre mezzo chérie va vers Carmen, vers Eboli, ces espoirs nous consolent d une adéquation seulement partielle.

Mais il fallait être à Toulouse pour subir une fois de plus les envoûtements de Yann Beuron, son ténor clair, jamais à court d’aigu, son chant héroïque, ardent, plus entendu depuis Eric Tappy. Et quel style, quelle noblesse dans les phrasés : la perfection qui nous laisse espérer pour demain au moins Werther. Laura Claycomb n’a pas du résister au souvenir laissé par la Philine d’Annick Massis : voix terne, médium en fuite, mais la technique est immaculée et l’incarnation assez réussie.

En Laërte, l’inusable Christian Jean, qui fut jadis un Wilhelm Meister comme s’en souvient André Tubeuf, joue avec le panache qu’on lui connaît les éternels jeunes-hommes, Blandine Stakiewicz étrenne avec bonheur les culottes de Frédéric, et Giorgio Surian met sa basse sonore à un Lothario partagé entre désespoir et folie : la voix est belle, au détriment d’un français sacrifié.

Dommage d’avoir confié à la baguette incolore de Jean-Yves Ossonce cet ouvrage délicat qui trouvera peut-être un jour un relecteur inspiré. Gardiner ? Minkowski ? Tous les espoirs sont permis.

Jean-Charles Hoffelé

Reprise de Mignon, d’Ambroise Thomas, Toulouse, Théâtre du Capitole, le 18 novembre.

Photo : Patrice Nin
 

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