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Toulouse - Compte-rendu : Don Carlo de Verdi. Attentes déçues

Le Capitole espérait un nouveau Don Carlo depuis 1984. Le décor impressionnant de Frigerio, avec son immense crucifix clairement emprunté au spectacle de Willy Decker, dominant les débats spirituels et les passions humaines, les costumes d’époques somptueux, une direction d’acteur efficace sinon très saillante, tout convoquait un réalisme sans concession.

Le public du Capitole aura adoré, mais cette littéralité ennuyait rapidement, manquait cruellement d’arrières plans et tombait parfois dans des pièges inévitables lorsque l’on opte unilatéralement pour ce type de conception. Tout l’autodafé, avec son clergé doré et ses perspectives verticales fuyantes donnaient le vertige, et lorsque, montant des machineries, un tableau de cire en trois dimensions exposait les horreurs de l’inquisition on ne pouvait pas retenir un sourire. Pas plus lorsque au dernier tableau, le Crucifix tombait à terre pour dévoiler une volée de marches et au sommet un Charles Quint herminé, baigné d’un halo supranaturel.

Si l’on reproche aux metteurs en scènes de quitter la réalité première des ouvrages lyriques, on aurait presque envie de voir Nicolas Joel s’attacher plus encore à l’esprit de l’œuvre qu’il ne parvient à le faire en collant à son texte. La distribution s’annonçait fastueuse, mais pour quantité de raisons elle déçu presque totalement. Actrice flamboyante, Béatrice Uria Monzon rendue borgne pour être fidèle au fameux portrait de la Princesse de la Cerda, reste toujours aussi avare de ligne de chant. La couleur est somptueuse pour O don fatale, mais sa vocalise incertaine et sa voix placée trop bas lui interdisent la légèreté comme les aigus de la Chanson du Voile.

En Philippe II Roberto Scandiuzzi tente une composition différente, humaine, fragile, assez déconcertante même si elle n’est pas totalement inédite, mais aussi consommé que soit l’acteur, le chanteur peine : hauteurs incertaines, timbre élimé exposent un peu trop son humaine fragilité. Fragile, Fabio Armiliato rêverait de l’être, bel acteur, mais la puissance de son instrument à la Corelli le lui interdit, d’où un hiatus irréductible entre le jeu de scène et la voix, indurée durant les deux premiers actes, plus unie et assouplie pour les deux suivants. Kotcherga campe un Grand Inquisiteur venimeux, mais il n’a aucun des graves de son duo avec Philippe, alors que ses éclats tonnent avec splendeur lors de sa seconde intervention.

On espérait probablement trop de la prise de rôle de Ludovic Tézier en Rodrigo. L ‘acteur est décidément convenu, la voix toujours aussi uniment noble n’a guère de rechange de couleurs et se cantonne à une ligne impavide : le personnage ne se compose jamais, et sa mort laisse indifférent, mais il faut adoucir la sévérité de ce jugement en songeant que le rôle mûrira certainement et que notre baryton français favori saura ouvrir sa voix vers les aigus que Posa réclame et apprivoiser le style verdien ; cela viendra, l’italien est déjà impeccable, phonation et projection exemplaire, on ne perdait pas un mot il faut juste leur donner de la chair et des couleurs.

Le style verdien, cet ovni sur nos scènes lyriques, seule Daniela Dessi le possédait lors de cette représentation, et avec quelle maestria ! Son Elizabeth élégante, jamais hautaine, toujours humaine, restera dans les mémoires. Il faut dire qu’elle fréquente cet emploi depuis des années, et qu’elle l’a marqué lors de la production scaligesque. On lui devait les seuls pianissimos filés, les seules vraies phrases musicales expressives d’une matinée dirigée sans inspiration par Maurizio Benini où quelques utilités tiraient l’oreille, à commencer par le moine de Balint Szabo, promis à de futurs Philippe II, et Valérie Condoluci, stratosphérique en Voix céleste.

Jean-Charles Hoffelé

Seconde du Don Carlo de Verdi, Théâtre du Capitole, Toulouse le 9 octobre 2005, puis les 12, 16 et 18 octobre.

Verdi en DVD

Photo de Béatrice Uria-Monzon (Eboli) et Daniela Dessi (Elisabetta) : Patrice Nin
 

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