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Tito Muñoz dirige l’Orchestre national d’Île-de-France – Quel Sacre ! – Compte-rendu

Depuis six ans à la tête de l’Orchestre Symphonique de Phoenix, l’Américain Tito Muñoz (36 ans, photo) a occupé de 2011 à 2013 les fonctions de directeur musical de l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy et de l’Opéra National de Lorraine. Très impliqué dans la musique contemporaine, il a été aussi chef assistant de plusieurs formations aux Etats-Unis, dont l’Orchestre de Cleveland, ce qui lui a permis, parmi d’autres événements, d’y remplacer Pierre Boulez en 2012. C’est dire que le programme de l’Ondif proposé à la Philharmonie convenait parfaitement à son talent polyvalent.
 
Eiréné, poème nocturne pour orchestre de Guillaume Connesson (donné en création mondiale en avril 2018 à Amsterdam par l’Orchestre Royal du Concertgebouw), prend sa source dans la mythologie, en référence à la déesse de la paix de l’Antiquité grecque. L’Orchestre national d’Île-de-France, sous une baguette fluide et précise, répond avec bonheur aux jeux de miroirs d'une brève pièce en trois parties dont les couleurs, les irisations et une sensualité à fleur de peau montrent l’influence ravélienne.
 

Caroline Goulding © Lisa Marie Mazzucco

Tonique dans les tutti du Concerto pour violon de Beethoven, Tito Muñoz doit ensuite faire patte de velours quand il accompagne sa compatriote Caroline Goulding (24 ans), archet souple mais trop lisse qui se perd dans les dédales de la partition, peaufinant les pianissimi jusqu’à la confidence la plus extrême (Larghetto). La multiplication des cadences (signées Robert Levin) rompt l’unité du discours en particulier dans le final qui paraît s’éterniser, voire tourner en rond. Si les qualités techniques de la violoniste ne sont pas en cause, sa conception d’ensemble laisse en revanche perplexe par sa sophistication excessive.
 
La seconde partie du concert fait place à l’enthousiasme par la direction équilibrée et toujours maîtrisée du Sacre du Printemps. L’approche témoigne d’une véritable appropriation de l’œuvre de Stravinski, conduite de manière organique, prenant en compte non seulement la dimension symphonique, mais aussi les caractéristiques du ballet – que Tito Muñoz a eu l’occasion de diriger outre-Atlantique dans la chorégraphie originale reconstituée de Vaslav Nijinski. Bien campé sur le podium, soulevant de ses gestes clairs et amples la phalange francilienne, il déchaîne des crescendos rythmiques sans volonté démonstrative, préférant l’intensité aux éclats. Cette remarquable justesse de ton lui vaut non seulement l’acclamation du public venu nombreux, mais aussi les applaudissements des musiciens séduits par sa prestation captivante.
 
 Michel Le Naour

Paris, Philharmonie, Salle Pierre Boulez, 19 novembre 2019

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