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Thomas Hengelbrock interprète Bach et Zimmermann avec l’Orchestre de Paris – A couper le souffle – Compte-rendu

Pour son premier concert en tant que nouveau chef associé de l’Orchestre de Paris, Thomas Hengelbrock (photo) présentait un programme original, intelligemment conçu à partir de deux œuvres sacrées de Jean-Sébastien Bach (la première partie de la Passion selon Saint Jean et la Cantate BWV 60 « O Ewigkeit, du Donnerwort » (Ô Eternité, toi, parole foudroyante ). Elle encadraient L’Action ecclésiastique pour deux récitants, baryton et orchestre (en version française) de Bernd Alois Zimmermann (1918-1970), qui se suicida quelques jours après avoir achevé cette partition. Un assemblage cohérent car le Choral « Es ist genug ! » (« Seigneur, c’en est assez ! ») de J.-S. Bach est utilisé à trois reprises, soit sous sa forme originale dans la Passion et la cantate, soit comme citation à la manière d’un collage chez Zimmermann.
 
Dirigés avec assurance, fluidité et maîtrise stylistique par Hengelbrock, les musiciens trouvent progressivement leurs marques (chacune de ces œuvres entre au répertoire de l’Orchestre). Après quelques décalages dans la Passion, ils atteignent au cours de L’Action ecclésiastique une puissance dramatique à fendre l’âme et culminent dans la Cantate BWV 60, où sont mis en valeur bois et cordes en formation réduite.
 
Sur le plan vocal, on admire l’aisance de la soprano Anna Lucia Richter, la couleur mordorée de la mezzo Ann Hallenberg, plus effacée, ou encore la clarté d’élocution et la projection de l’Evangéliste de la Saint Jean interprété par Lothar Odinius. On gardera plus encore en mémoire la puissance d’incarnation du baryton Georg Nigl dans le rôle du Condamné de L’Action ecclésiastique, qui se confond avec le désespoir déchirant du compositeur. Les deux récitants, Georges Lavaudant et surtout André Wilms, déclament des extraits de L’Ecclésiaste et des Frères Karamazov avec une force de conviction et un sens théâtral à couper le souffle. Comme à l’accoutumée, on admire la superbe cohésion et l’intensité vibrante du Chœur de l’Orchestre de Paris, préparé par Lionel Sow.
Une soirée qui aura marqué les esprits et les cœurs.

Michel Le Naour

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Paris, Philharmonie, Grande Salle, 20 octobre 2016

Photo Thomas Hengelbrock © Florence Grandidier

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