Journal
Création française de Begehren de Beat Furrer par l’Ensemble Écoute – Orphée et ses ombres – Compte rendu

Compositeur et chef d’orchestre, fondateur il y a quarante ans de l’ensemble Klangforum Wien, Beat Furrer est une figure importante de la musique d’aujourd’hui. Son anniversaire – l’artiste suisse est né le 6 décembre 1954 – serait passé inaperçu à Paris si l’Ensemble Écoute (1) n’avait eu l’excellente idée de lui consacrer toute une résidence. Celle-ci s’achevait Salle Cortot, à quelques jours des… 71 ans du maître avec la création française de Begehren, où il revisite le mythe d’Orphée. Sur la scène se pressent la quinzaine de musiciens de l’Ensemble Écoute (photo), la douzaine de chanteurs du chœur Cantando Admont et les deux solistes, la soprano Johanna Vargas et l’impressionnant baryton Christoph Brunner.

Fernando Palomeque (cofondateur avec son compatriote compositeur Alex Nante de l'Ensemble Ecoute en 2015) © Ensemble Ecoute
Une tension diffuse
Les dix scènes de Begehren créent une tension diffuse en s’appuyant sur les sonorités mêlées des instruments et des voix : effets de souffle, reflet des intonations de la voix parlée – dont le baryton (Orphée) ne se départit que de façon fugace – sur le jeu instrumental, sonorités étouffées qui forcent à l’écoute active. La direction de l'Argentin Fernando Palomeque, précise et attentive, souligne cette écriture très fine, à la fois dense et amenuisée. Le foisonnement des détails et leur répétition conduisent cependant à une certaine langueur qui ni l’intelligent choix des textes (les visions d’Orphée par Virgile, Ovide, Hermann Broch, Günter Eich et Cesare Pavese) ni la qualité de l’interprétation – le chœur viennois Cantando Admont est d’une beauté confondante – ne peuvent empêcher de s’installer. La faute à une narration qui bute sur la répétition des mêmes mots, avec une certaine logique certes puisqu’elle évoque l’impossible communication et les trébuchements du souvenir, mais jusqu’à s’enliser parfois. Une scénographie même minimale serait ici pertinente ; on le voit quand, dans la dernière scène, Eurydice disparaît des regards et ne fait plus entendre, depuis les coulisses, que l’ombre de sa voix. Ou bien une pure écoute, ce que permet le disque (un enregistrement de la création, dirigé par le compositeur, a paru chez Kairos en 2003), pour cette œuvre qui a beaucoup à voir avec l’art radiophonique.
Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Salle Cortot, le 3 décembre 2025
Photo : Ensemble Écoute © Hugo Warynski
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