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​Theodora de Haendel au Théâtre des Champs-Elysées – Zèle des militants, ferveur des convertis – Compte-rendu

Ce lundi 22 novembre, il y avait foule au théâtre des Champs-Elysées, la foule des grands soirs, qui prouve que la pandémie n’a pas définitivement détourné le public des salles. La foule qui se pressait avenue Montaigne venait applaudir une œuvre déjà présentée en version scénique dans ce même théâtre il y a quelques années : en 2015, William Christie dirigeait cette Theodora qu’il avait « révélée » à Glyndebourne en 1996, dans la mythique production signée Peter Sellars. Cette fois, Theodora revient en version de concert, et Paris n’est qu’une des étapes d’une tournée incluant aussi Vienne, Zurich et Milan. Et le public s’est déplacé en masse, attiré par la promesse d’une brochette de stars réunies pour l’occasion, des noms attendus ou inattendus, des militants de la cause haendélienne ou de possibles nouveaux convertis à cette musique.
 
Lisette Oropesa © Jason Homa

Dans le rôle de la princesse d’Antioche devenue chrétienne et du soldat romain compatissant, deux stars que l’on associe plutôt à des compositeurs bien postérieurs. Bien qu’elle ait chanté dans Les Indes galantes à Munich, Lisette Oropesa n’a guère fréquenté la première moitié du XVIIIsiècle, et sa Theodora laisse d’abord peu de raisons de penser que Haendel lui soit destiné. Celle qui vient encore de triompher dans Traviata à Londres ne parvient à émouvoir qu’avec l’air « Angels ever bright and fair », juste avant l’entracte. La deuxième partie de la soirée lui conviendra mieux, mais le compte n’y est peut-être pas encore tout à fait. Quant à Michael Spyres, sa présence en Septimius semble relever du luxe superflu, même si elle se justifie dans les moments où ce belcantiste au souffle inépuisable prodigue les vocalises avec une rapidité stupéfiante. Ce n’est pourtant pas dans ce répertoire-là que le baryténor américain peut aujourd’hui se révéler indispensable.
 

Maxim Emelyanychev © Elena Belova

La star qui maîtrise ce style en haendélienne confirmée, c’est Joyce DiDonato (photo), qui aborde le personnage d’Irene avec une puissance dramatique et une force d’émotion bouleversantes. Avec une approche bien différente de l’inoubliable Lorraine Hunt, la mezzo-soprano s’impose avec autorité dans le rôle de la chrétienne militante. S’il n’est pas encore une star, il a tout pour en devenir une : le contre-ténor français Paul-Antoine Bénos-Djian possède une voix qui fait apparaître tous ses airs comme autant de sommets de la partition, par le naturel de son chant et par le caractère touchant que son jeu prête au soldat converti Didymus ; Joyce DiDonato est lui sont les plus investis théâtralement dans leur personnage. Confronté à un rôle où l’on entend parfois des voix plus graves que la sienne, John Chest n’en tire pas moins son épingle du jeu, notamment par sa virtuosité.

Le chœur – d’où provient le ténor auquel sont confiées les quelques répliques du Messager – et l’orchestre Il Pomo d’Oro sont chez eux dans la musique de Haendel, pour laquelle Maxim Emelyanychev adopte des tempos dont la rapidité peut étonner par instants, mais qui ne nuit heureusement pas à l’expressivité de l’interprétation. On pourra le vérifier sur medici.tv, en visionnant ce concert, filmé pour une diffusion en direct mais visible jusqu’au 31 décembre.

Laurent Bury

Haendel : Theodora (version de concert) – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 22 novembre 2021 / Disponible sur medici.tv jusqu'au 31/12/2022

Photo © DR
 

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