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Sumi Jo ouvre la saison des « Grandes Voix » au TCE - Les trilles de l’ange

Amoureux de bel canto, à vos marques… La série les « Grandes Voix » du Théâtre des Champs-Elysées commence le 26 septembre par un récital de Sumi Jo, avec le ténor Antonino Siragusa et l’Orchestre National d’Île-de-France dirigé par Daniele Callegari. Portrait de la soprano coréenne.

Un oiseau de paradis qui a pris son envol au Pays du matin calme. Mais la jolie Sumi Jo n’a apparemment rien de calme : elle passe dans un envol de soieries, de bijoux, de cheveux flottants, de voix lancée comme une gerbe d’étincelles. Au départ, à Séoul, une petite fille surdouée, boostée à l’extrême par des parents et, surtout, une mère d’enfant prodige, ce qui veut tout dire… Au lieu de glisser sur la glace, ce pour quoi elle avait été programmée, Sumi vole aujourd’hui parmi les plus grandes étoiles du lyrique mondial. Exquise à plus d’un titre dans le don de son talent et de sa grâce sur lesquels elle ne triche pas, de son attention aux autres, de sa politesse presque enfantine - elle demande la permission de faire la bise. Sur ses célèbres changements de robe, en cours de récitals, qu’on prendrait pour pure coquetterie, elle s’explique : « pour moi, tout air de concert est un spectacle. Si je pouvais, je changerais de tenue pour chacun, afin que le public reçoive le maximum ».

Un perfectionnisme absolu fait virevolter cette travailleuse acharnée d’une langue à l’autre, dont la nôtre, en s’excusant de ne pas les maîtriser idéalement. Et de ses années de galère de prodige enfantin, elle a gardé un rite qui impressionne : « chaque soir, sur un carnet, je marque tout ce que j’ai fait, qui j’ai rencontré, et comment je devrais améliorer toute chose, de ma vie à mes rôles ». Sa voix, qui comme celle d’une Nathalie Dessay, s’est tant de fois prêtée aux hystéries de la Reine de la Nuit, atteint aujourd’hui l’acmé de ses couleurs autant que de son agilité. Sublime Lucia, si touchante Gilda, fascinante Traviata - il y a deux ans, à Toulon notamment-, combien on regrette de ne pas l’avoir vue en pleine action sur notre scène parisienne, durant l’ère Mortier. On va donc goûter ses charmes, dans le cadre d’un concert des Grandes Voix, dans un bouquet de ces airs belcantistes qu’elle fait onduler comme une brise, en compagnie du ténor rossinien Antonino Siragusa, et sous la baguette de Daniele Calligari, avec l’Orchestre National d’Ile de France.

Mais la diva oiseau est un peu lasse de lancer des imprécations ou de mourir en scène : « J’ai de plus en plus envie d’aborder des rôles légers et ludiques, de m’amuser dans Fra Diavolo, Le Comte Ory et Le Turc en Italie. » Preuve de maturité pour celle dont l’univers musical de prédilection demeure, sans hésiter, la 9e Symphonie de Beethoven, « pour sa lumière et son harmonie. Comme cette musique l‘implique, je veux moi aussi, donner, donner, grâce à mon art ».

Quant à son pays, elle l’a trouvé, c’est Rome, là où vit celle qu’elle appelle sa mère, une Sarde qui fait des pizzas et l’a couvée alors qu’elle arrivait à l’Académie Sainte Cécile, sans doute bien solitaire, pour parfaire sa technique. C’est le destin, comme l’affirme cette catholique profonde. Et comme c’est un personnage miroitant, on a envie de lui demander quelle est sa vraie couleur, la couleur intérieure. Là où d’autres s’interrogent, chez elle la réponse fuse : « violet, je suis violet, mélange du rouge qui ressemble à mon caractère passionné et bleu qui est ma dimension intérieure de méditation et de sérénité ». Dame de fer et petite fille assoiffée d’amour, studieuse et fantasque. Sumi Jo sait ce qu’elle veut, elle sait ce qu’elle est : double. On ne l’attrapera donc pas. C’est un oiseau.

Jacqueline Thuilleux

Le 26 septembre au TCE. Rossini, Bellini, Donizetti, Verdi, Meyerbeer.

www.theatrechampselysees.fr

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Photo : DR
 

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