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Strasbourg - Compte-rendu : Plateau d’exception pour le Bal Masqué


Après deux saisons de l’Opéra National du Rhin consacrées à la guerre de Troie, quel plaisir de retrouver sur cette scène Un Bal Masqué, chef d’œuvre de Verdi où la musique suggère, avec force évidence, ce que la censure lui interdisait dans le livret. Mais quelle déception nous procure la dramaturgie de Philippe Arlaud, avec sa débauche de gadgets qui viennent gâcher une direction d’acteur des plus fines. A trop vouloir suggérer, on noie le discours dans une gesticulation ridicule et abusive. Le deuxième acte fait heureusement figure de havre de paix avec sa forêt de mannequins transpercés d’aiguilles, tels des Saint Sébastien, et ses robes posées sur des cintres suspendus projetant leurs ombres menaçantes au travers desquelles se joue le drame de la séduction.

L’important de cette production se trouve ailleurs. Kirill Karabits sculpte la partition de Verdi en véritable orfèvre. Il passe de la frénésie la plus débridée (final du premier tableau et scène du bal) à la transparence lunaire, à la tête d’un Orchestre Symphonique de Mulhouse en grande forme, où rayonne le superbe violoncelle d’Urmas Tammik (« Morro ma prima »).

La distribution excellente permet d’entendre une Barbara Haveman en état de grâce : ligne parfaite, aigus aériens, comédienne hors pair. Massimiliano Pisapia est un Riccardo au spinto d’une rare élégance, tandis que Carlos Almaguer, au timbre cuivré couronné de superbes demi-teintes, campe un somptueux Renato. D’une androgynie parfaite, l’Oscar au chant soigné d’Hye-Youn Lee se situe bien loin des voix acides que l’on nous sert habituellement.

S’agissant d’Ulrica, la transposition montre là aussi ses limites. Le fait de situer son tableau dans un atelier de couture clandestin lui enlève tout son côté mystique et fantasmagorique, et crée un décalage permanent avec ce que l’on entend à l’orchestre. Elena Manistina a beau faire, et ce malgré une voix magnifique et des graves somptueux, on ne croit nullement à son personnage de pythonisse, d’autant qu’aucun poncif nous est épargné : prêtres hystériques brandissant une croix, juge qui se signe de façon grotesque… Une version concertante aurait suffi à notre bonheur.

Bernard Niedda

Strasbourg, Opéra National du Rhin, le 26 octobre 2008. Prochaines représentations les 28, 31 oct. et 2 nov. (Strasbourg) et les 9 et 11 nov. (Mulhouse)

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Photo : Alain Kaiser

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