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« Spleens et détresses » à l’Amphithéâtre Bastille - Les Tombeaux de Vierne

Concert courageux et utile : toute une soirée monographique consacrée à Louis Vierne (1870-1937) hors de son orgue. Et soirée monothématique autour du deuil et du spleen. Le deuil d’un fils disparu à dix-sept ans et dont le Quintette en ut mineur op. 42 est l’ex voto que lui adresse son père. Œuvre douloureuse mais pas résignée ; cri contre l’abîme d’un croyant.

On découvrira aussi les très subtils Préludes pour piano, composés quelque part entre Franck et Debussy, dont les camaïeux de couleurs iront comme un gant à Mûza Rubackyté qui rejoindra le Quatuor Danel pour le Quintette, et se fera accompagnatrice pour un cycle quasiment jamais entendu, celui que Vierne écrivit pour la voix de mezzo en rassemblant dix poèmes de Verlaine sous le titre évocateur de Spleen et détresses.

Cycle majeur de la mélodie française que cet Opus 38 aujourd’hui oublié – Mirelle Delunsch tenta de le faire revivre, l’enregistra même pour Timpani - alors qu’il se hisse aux mêmes hauteurs que Le Poème de l’amour et de la mer d’Ernest Chausson ou que les Clairières dans le ciel de Lili Boulanger. Dix mélodies composées au cœur de la grande guerre en 1917, hantées par elle, cachant derrière leur langue élégante jusqu’à la sensualité un spleen inextinguible.

Joie, c’est Anaïk Morel (photo), la grande nouvelle mezzo-soprano française, hier une Mère Marie de l’incarnation tranchante comme l’acier dans les Dialogues des Carmélites à Lyon, qui dévoile cet opus majeur, rendant ce concert immanquable. Il ferait en vérité le programme d’un disque parfait. Des micros ?

Jean-Charles Hoffelé
« Spleen  et détresses »
Anaïk Morel (mezzo), Mûza Rubackyté (piano), Quatuor Danel.
Œuvres Louis Vierne
26 mars 2014 – 20h.
Paris - Amphithéâtre Bastille.
www.operadeparis.fr

Photo © Ruth Kappus

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