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Sophie Karthauser, Cédric Tiberghien et l’Orchestre des Pays de Savoie à la Grange au Lac d’Evian – Complicité mozartienne – Compte-rendu

Sophie Karthauser et Cédric Tiberghien

Après Lyon et Paris, Nicolas Chalvin et ses musiciens de l’Orchestre des Pays de Savoie étaient de retour à la Grange au Lac d’Evian, une salle au charme fou que la présence régulière de l’OPS depuis la rentrée 2013 a sortie de la torpeur dans laquelle elle était plongée depuis la disparition de Mstislav Rostropovitch.

Nicolas Chalvin / photo © Gislain Mirat

Très présent à la tête d’une formation qui donne une moyenne 90 concerts par an dans sa région, Nicolas Chalvin sait aussi céder la baguette de temps en temps à des chefs issus du monde baroque. Cela avait été la cas l’an passé avec la venue de Sigiswald Kuijken, ça le sera à nouveau en janvier prochain avec celle de Giuliano Carmignola. Des expériences très profitables pour la phalange dans son approche des répertoires baroque et classique. On le mesure en entendant la rare Symphonie n° 33 KV 319 de Mozart sous la baguette de Nicolas Chalvin. Finesse de trait, vivacité de l’expression, justesse du style caractérisent de bout en bout l’approche d’une partition qui tient lieu de fil conducteur de la soirée.
 

Cédric Tiberghien / Photo © DR

Comme cela se pratiquait fin XVIIIe/ début XIXe, le directeur musical a en effet pris le parti d’insérer des morceaux  – tous de Mozart - entre les quatre mouvements de la Symphonie en si bémol majeur. A l’Allegro assai initial du KV 319 succède ainsi le Concerto n° 17 en sol majeur KV 453 par Cédric Tiberghien. L’ouvrage reste moins fréquenté que ceux compris entre les numéros 20 à 27 mais révèle pourtant une richesse et une diversité d’humeurs que le soliste exploite avec une intelligence et un sens du cantabile qui signalent un mozartien de premier ordre. Sous ses doigts, le texte musical prend vie avec un relief opératique. Et avec quel art et quelle justesse des couleurs sonde-t-il – et fait-il chanter -  les si émouvants secrets de l’Andante médian. Tout est dit, avec la plus parfaite simplicité, et dans une complicité et un dialogue permanents avec le chef.

Au chant du piano répond en seconde partie celui de la soprano Sophie Karthäuser. Après le tendre Andante de la Symphonie n° 33, l’artiste belge s’empare de l’air « A Berenice » K.70 avec poésie et feu. On ne résiste pas à cette présence lumineuse, ce style - sans parler de la maîtrise technique, de l’aisance dans les vocalises et de la qualité de la diction.

Le Menuetto du KV 319 retentit, nerveux mais sans sécheresse ni raideur, et revoilà la soprano dans le « Nehmt meinen Dank » KV 383. La tendresse un brin coquine avec laquelle elle aborde la pièce fait mouche ; le public savoyard est sous le charme. Impossible d’avoir affaire au cours d’une soirée à deux solistes aussi mozartiens sans songer à les réunir : après le tonique et pré-mendelssohnien Allegro assai final de la Symphonie n° 33, l’extraordinaire air avec piano « Ch’io mi scordi di te », KV 505, que Mozart écrivit pour Nancy Storace, conclut la soirée dans une interprétation complice à souhait. Un résumé de l’esprit chambriste et amical qui a baigné l’ensemble du programme.

Changement total de climat pour le bis avec un bel arrangement (signé Cyrille Lehn) de la mélodie Hôtel de Poulenc où chanteuse, pianiste et chef se font plaisir - avec chic !

Il vous reste encore une occasion de goûter au programme Mozart de l’OPS avec Nicolas Chalvin et ces mêmes solistes, le 27 juin, en ouverture de la saison d’été de l’Opéra de Vichy.

Alain Cochard

Evian, La Grange au Lac, 24 mai 2014
 
 
Saison d’été de l’Opéra de Vichy : http://www.ville-vichy.fr/assets/files/culture/Opera-Ete-2014.pdf
 
Sophie Karthäuser et Cédric Tiberghien / photo  © Guy Vivien

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