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​ Sol Gabetta, Tugan Sokhiev et la Staatskapelle Dresden – Le sublime sous un plafond de verre – Compte-rendu

 

Avant de clore sa tournée aux côtés de la Staatskapelle Dresden à Toulouse, Sol Gabetta était de passage à Paris. Fidèle au public de la Philharmonie – où, en mars dernier, elle interprétait le Schelomo de Bloch (1) –, la violoncelliste se plaît à associer virtuosité et autorité à une sympathie communicative. Et la magie Gabetta opère : dans le Concerto pour violoncelle n°1 de Chostakovitch, l’artiste déploie une frénésie et une ardeur remarquables. L’approche en devient vraiment personnelle, exempte de douceur car préférant une errance torturée dans les limbes (Allegretto) ou une sobre litanie (Adagio). De la Cadenza, qui nous emporte vers l’ailleurs, à la marche déterminée du Finale, le contrôle de Sol Gabetta sur la partition est total. Contrairement à Tugan Sokhiev, limité à une direction trop sage, manquant d’audace et de nuances pour répondre à la fièvre de la soliste. L’orchestre semble placé sous un plafond de verre, malgré les interventions convaincantes des vents. À Sol Gabetta alors de s’adapter, quitte à parfois lisser la partition. Le bis (Nana tiré de la Suite populaire espagnole de Falla) offre un moment d’extase, dialogue nostalgique, presque infantile, avec le célesta.

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© Charles d'Hérouville 

Un extraordinaire son d'ensemble

La 7e Symphonie de Bruckner est dédié à Louis II de Bavière. Cela suffit pour révéler le caractère d’une partition passionnée, féerique et hostile à toute notion de limite. Bruckner y développe longuement les thèmes et accorde près de trente minutes au remarquable Adagio, immortalisé par Visconti dans Senso. Créée un an après la disparition de Wagner, la symphonie contient toute l’ardeur romantique nécessaire à un hommage au protégé de « Kini ». Visiblement plus à l’aise que dans le concerto, Sokhiev noue un dialogue avec l’orchestre dont il tire un extraordinaire son d’ensemble, parfaitement adapté à l’acoustique de la salle Pierre Boulez. Dès les premières notes de l’Allegro, le Tyrol apparaît dans sa brume, incarné par un pupitre de cuivres redoutablement efficace. L’unité des cordes permet un engagement généreux, que perturbe une justesse malheureuse chez les vents (sûrement la fatigue). Le final de l’Adagio hésite entre drame et espoir et sublime l’influence wagnérienne qui se poursuit dans le Scherzo, tel un conte de fées. Le plafond de verre n’est pas totalement brisé, mais on applaudit la remarquable précision des attaques et la résistance des musiciens au long d’une soirée que, malgré son ampleur, on n’aura pas vu passer.

Antoine Sibelle

 

 
Philharmonie de Paris, le 27 mai 2025
 
 
(1) www.concertclassic.com/article/tarmo-peltokoski-sol-gabetta-et-lorchestre-national-du-capitole-de-toulouse-la-philharmonie
 
 
Photo © Charles d’Hérouville

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