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« Schnittke Parade » par Le Piano Ambulant – Bienvenue au cirque Kommunalka ! – Compte-rendu

Après « Comment Siegfried tua le dragon et caetera », excellent spectacle inspiré de la Tétralogie, le Piano ambulant est de retour avec « Schnittke Parade », nouvelle production donnée en fin d’année passée à l’Amphi de l’Opéra de Lyon et qui vient de faire une courte halte à la Marbrerie de Montreuil. Après la geste wagnérienne, la compagnie lyonnaise change complètement d’univers et puise cette fois son inspiration dans l’histoire soviétique – pour une nouvelle réussite où la modestie des moyens n’a d’égal que l’efficacité du résultat.
 

© Antoine Herman

A la fois auteur du texte (dit par une voix d’enfant), qui sert de toile de fond au spectacle, et de la mise en scène, Claire Truche s’est inspirée de la vie au sein des Kommunalki, les appartements communautaires de l’ère soviétique. Cohabitation forcée, à l’origine de situations auxquelles la musique d’Alfred Schnittke (des morceaux tirés des Sketches (1) et ici arrangés pour un instrumentarium varié et cocasse, du piccolo au violoncelle, en passant par le violon, le hautbois, le synthé, la guitare électrique et diverses percussions improvisées) offre un contrepoint idéal. Pas de paroles, hormis la voix off, qui vient de temps en temps commenter la vie dans la Kommunalka, grande famille dont les membres se détestent... tout en sachant pouvoir compter les uns sur les autres.
 

© Antoine Herman

Le petit monde de l’appartement collectif fait défiler une singulière galerie de personnages que les musiciens-comédiens du Piano Ambulant incarnent tout au long d’un spectacle (de soixante-quinze minutes environ) qui enchaîne des « entrées » à la manière d’un spectacle forain. Sacré cirque en effet que la tragi-comédie de la Kommunalka : « Schnittke Cabaret » joue avec l’écume de l’absurdie soviétique, mais sait aussi suggérer les drames qui se déroulait en arrière-plan chez le « petit père des peuples ». Joies et affres – surtout ! – de la promiscuité ... La variété, l’inventivité qui s’offrent tant aux yeux qu’aux oreilles du spectateur captivent de bout en bout. Des moments de calme gris et pesants aux explosives crises de nerfs – collectives forcément ! – « Schnittke Cabaret » aligne les tableaux avec une fluidité et une virtuosité étonnantes. Musique et jeu scénique ne font qu’un ; les comédiens-musiciens volent d’un instrument à l’autre avec une aisance confondante et mettent les sons au service de toute une gamme d’humeurs et de situations, en ne se privant pas de moments surréalistes comme lors de l’apparition d’un gigantesque ours en peluche ou d’un musicien métamorphosé ... en Superman !
 

© Antoine Herman

On s’en voudrait de conclure sans citer les noms des protagonistes de ce splendide moment de théâtre musical : Sylvie Dauter (piano, claviers), Christine Comtet (flûte, piccolo, synthé), Antoinette Lecampion (violon, synthé), François Salès (hautbois, tambour), Joël Shatzman (violoncelle, basse électrique). Souhaitons à « Schnittke Parade » un succès aussi grand que celui remporté par le précédent spectacle du Piano Ambulant ; il le mérite tout autant, ce auprès d’un public de tous âges.

Alain Cochard
 

(1) Un recueil, de 1985, lui même issu d’une musique de scène pour le Révizor de Gogol
 
«Schnittke Parade » – Montreuil, La Marbrerie, 9 février 2020 ; prochaine représentation 28 juillet 2020 ( Festival Musique à Beauregard / La Clusaz) // www.lepianoambulant.com/

Photo © Antoine Herman

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