Journal
Satyagraha selon Lucinda Childs à l’Opéra de Nice – Fascinant et lumineux – Compte-rendu

Il y a cinq ans (1) l’Opéra de Nice programmait Akhnaten et tissait son premier lien avec la musique de Philip Glass ainsi que l’art de la mise en scène et de la chorégraphie de Lucinda Childs. Cette fois, pour la première fois en France, le grand théâtre à l’italienne niçois crée l’événement en accueillant trois représentations de Satyagraha. Cet opéra de Glass, qui conte l’épisode sud-africain de la vie de Gandhi et cette « marche du sel » revendicative et non-violente des travailleurs hindous face à l’armée britannique à la frontière du Transvaal, est construit sur un texte en sanskrit tiré du Mahabharata qui prône une vie harmonieuse et simple attachée à la vérité pour contester et résister à l’oppression par la non-violence. Une mélopée mystique soutenue par la composition envoûtante de Philip Glass livrée par un orchestre ne comportant ni percussions, ni cuivres.

© Julien Perrin
Un spectacle immersif
La sérénité préside au travail de Lucinda Childs tant en ce qui concerna la mise en scène que les chorégraphies. Tout est ici posé, harmonieux, les seules dissonances appartenant aux colons sud-africains vêtus de noir et opposés au Mahatma. Mais la blancheur des costumes de Bruno Lavenère, qui signe aussi les décors, idéalement éclairés par David Debrinay s’impose et fascine. Tout comme les vidéos d’Etienne Guiol qui réussit un spectacle immersif de haute tenue entraînant le spectateur dans un univers onirique en liaison avec le propos développé sur scène. Du grand et bel ouvrage.
Au pupitre, Léo Warynski (2) signe, lui aussi, une réelle performance car la partition de Philip Glass n’offre pratiquement jamais de temps de pause, même minime, obligeant le chef à maintenir une pression constante sur les instrumentistes afin de ne pas connaître de variation dans l’intensité de la musique et ses tempi. Une performance à laquelle il convient évidemment d’associer l’Orchestre philharmonique de Nice mais aussi le Chœur de l’Opéra de Nice totalement investis dans cette production et dont la prestation fut majuscule.

© Julien Perrin
Sérénité communicative
Impossible d’émettre une quelconque critique négative concernant une distribution homogène et habitée par la musique. Le Gandhi de Sahy Ratia (photo), jeune ténor malgache, s’impose dès sa première intervention ; il rayonne et fait preuve d’une sérénité communicative. À ses côtés le trio féminin composé de Melody Louledjian, Karen Vourc’h et Julia Robard-Gendre est précis, lumineux – avec un énorme coup de cœur pour cette dernière, mezzo dont la puissance et la ligne de chant n’ont jamais été prises en défaut. Jean-Luc Ballestra, Frédéric Diquero et Angel Odena, ont eux aussi apporté avec sens et limpidité leur pierre à cet édifice hors du commun, tout comme les danseuses et danseurs du ballet de l’Opéra.
Il est dans la vie des moments privilégiés qui arrivent sans qu’ils soient véritablement attendus. Ce Satyagraha en fut un en un dimanche après-midi ensoleillé. Par la qualité des chanteurs et musiciens qui l’ont fait vivre et magnifié, mais aussi par le message véhiculé qui, à l’heure où le monde vit des heures chaotiques, porte des espoirs que l’on aimerait ne pas voir déçus.
Akhnaten, Satyagraha ... À quand Einstein on the Beach sur la scène niçoise ?
Michel Egéa

Glass : Satyagraha – Nice, Opéra, 5 octobre ; dernière représentation le 7 octobre 2025 // www.opera-nice.org/fr/evenement/1273/satyagraha
(1) Donné en streaming en 2020, Akhnaten avait été repris dans des conditions normales en 2021 : www.concertclassic.com/article/akhnaten-de-philipp-glass-lopera-de-nice-cote-dazur-fascinante-ouverture-de-saison-compte
(2) Lire l’interview de Léo Warinsky : www.concertclassic.com/article/une-interview-de-leo-warynski-chef-dorchestre-satyagraha-reste-attache-la-radicalite
© Julien Perrin
Derniers articles
-
06 Octobre 2025Alain COCHARD
-
06 Octobre 2025Laurent BURY
-
05 Octobre 2025Laurent BURY