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Salon Musical à Garnier - Parfum viennois - Compte-rendu

Il y avait diverses manières de profiter de l’Opéra de Paris durant les fêtes. On pouvait d’abord, comme cela a été notre cas, découvrir tardivement une Carmen qui a fait couler beaucoup d’encre et constater que, comme souvent dans le microcosme parisien, l’affaire se résume en une formule : beaucoup de bruit pour pas grand chose. La mise en scène d’Yves Beaunesne, « mise en scène » qui n’est qu’occupation d’espace bien gesticulante, est certes ratée et n’apporte rien au chef-d’œuvre de Bizet, mais on ne voit guère en quoi l’ennui et le provincialisme d’un spectacle sous bromure ont pu être prétexte à bronca et emportements indignés. Un pétard mouillé dans la longue histoire de la Grande Boutique.
On pouvait aussi, le 30 décembre, goûter au dernier Salon musical de l’année au Palais Garnier. Salle presque comble, nombreux spectateurs étrangers : une affluence qui prouve que le public est bien là pendant la trêve des confiseurs et que certaines institutions musicales parisiennes, formations symphoniques en particulier, devraient y réfléchir…

Vienne est au cœur de l’original programme proposé par quelques membres de l’Orchestre de l’Opéra de Paris : le Schubert adolescent du 8ème Quatuor D.112 tient compagnie à quelques fameuses valses de Strauss fils transcrites pour petit ensemble par Schoenberg, Berg ou Webern.
Marion Desbruères, Eun-Hee Joe (violons), François Bodin (alto) et Jérémie Bourré (violoncelle) montrent d’abord une grande pureté classique dans le Quatuor en si bémol majeur. Sans doute auraient-ils pu oser un Allegro ma non troppo initial plus tendu et contrasté, mais on ne boude pas pour autant une version fluide, intimiste, amicale, qui exhale un vrai bonheur du dialogue musical.

Les valses que Johann Strauss fils qui suivent ne sont pas en reste sur ce point. Florence Boissolle (piano) et Elena Bonnay (harmonium) rejoignent les quatre archets pour interpréter Schatzwalzer (arrgt. Webern), Rosen aus dem Süden (arrgt Schoenberg) et Wein, Weib un Gesang (arrgt Berg), trois arrangements qui disent l’admiration des musiciens viennois pour le Roi de la Valse et modifient la perspective d’écoute sans trahir l’esprit de la musique. Les musiciens de l’Opéra auraient aussi pu regarder du côté des remarquables arrangements de Strauss réalisés il y a quelques années par Paul Méfano. Mais c’est à la réduction de la Valse de l’Empereur par Schoenberg que revient de terminer la soirée, avec le renfort de la flûte d’Isabelle Pierre et de la clarinette de Philippe Cuper (et sans harmonium). Si la pompe de l’effectif symphonique disparaît, l’entêtant parfum d’un chef-d’œuvre qui faisait l’admiration de Brahms est bien là.

Schoenberg a d’ailleurs vraiment le mot de la fin : le moment du bis est l’occasion de découvrir qu’on doit au père du dodécaphonisme un arrangement de… Funiculi, Funicula, que les musiciens adressent au public en guise de souriante carte de vœux.

Alain Cochard

Paris, Palais Garnier, 30 décembre 2012
Prochain « Salon musical » de Garnier le 3 février (œuvres d’Anton Rubinstein et de Rimski-Korsakov). www.operadeparis.fr

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Photo : DR
 

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