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Saint-Jean-de-Luz - Compte-rendu : Académie Internationale Maurice Ravel 2006


L’Académie Internationale Maurice Ravel est une vraie ruche de nouveaux talents ; deux journées passées à Saint-Jean-de-Luz nous l’ont une fois de plus confirmé !

Avec Jean-Claude Pennetier, Régis et Bruno Pasquier ou Peter Csaba, l’Académie Maurice Ravel retrouvait des professeurs habitués de Saint-Jean-de Luz. Mais l’édition 2006 aura aussi accueilli pour la première fois des maîtres tels que Roland Pidoux pour le violoncelle, Peter Cropper pour la musique de chambre ou François Leroux pour le chant. On retrouve ce dernier en plein cours d’interprétation. L’art d’un interprète se comprend mieux quand on le découvre sous son visage de pédagogue – à condition évidemment qu’il en possède un !

C’est peu dire s’agissant de François Le Roux (photo) dont l’attention aux mots, le sens des caractères, la profonde intelligence avec laquelle il pénètre chaque mélodie émerveillent. Et tout cela avec une simplicité, une courtoisie, un sens de l’image, un humour irrésistible qui font le bonheur des élèves autant que du public, toujours plus nombreux et assidu à l’Auditorium Ravel.

Le ténor marocain Abdellah Lasri (un élève du CNR de Paris) possède un tempérament qui retient immédiatement l’attention. Si la mélodie française est reine à l’Académie, quelques petites entorses sont autorisées et l’on ne saurait s’en plaindre lorsqu’une voix telle que celle de la mezzo canadienne Majorie Poirier (lauréate du concours « Les Jeunes Ambassadeurs Lyriques » en mars dernier) s’empare de manière aussi convaincante du sublime Tramonto de Respighi, superbement accompagnée par quatre archets issus des différentes classes de l’Académie. Mais la perle de ce cours public est offerte par la mezzzo-soprano Amaya Dominguez (étudiante au CNSM de Paris) qui, en compagnie du pianiste Martin Surot, cisèle trois Fables de la Fontaine de Caplet avec une présence scénique et un chic admirables. Une artiste à suivre de très près !

Outre lors des cours publics, les jeunes musiciens réunis à l’Académie ont l’occasion de se produire en concert. La violoniste Anne-Sophie Le Rol a reçu le Prix Académie Maurice Ravel au terme de la session 2006. Comment ne pas approuver ce choix après le Tzigane que signe la jeune fille le 15 septembre à l’Eglise de Saint-Jean-de-Luz (avec la pianiste Thuy-Ahn Vuong, accompagnatrice de la classe de violon de Régis Pasquier) ? Jeu lumineux mais sans froideur, virtuosité impeccable mais toujours soumise à l’impératif poétique : superbe ! On ne savoure pas mois le Trio op 8 de Chostakovitch qu’elle interprète le lendemain à Urrugne avec la violoncelliste Hélène Latour et Lorenzo Soules-Aguilar – le benjamin (14 ans) des stagiaires de J.C. Pennetier -, qui a par ailleurs fait très belle impression dans le Saint-François de Paule de Liszt lors de l’audition de piano de l’après-midi du 16 septembre.

Comme tous les ans depuis qu’il assure la direction artistique de l’Académie Ravel, Peter Csaba fait travailler des œuvres pour orchestre à cordes aux étudiants. Le choix s’est porté cette année sur le Concerto pour piano, trompette et cordes de Chostakovitch, donné avec Jean-François Heisser et François Dion (et l’appoint des contrebassistes Alexander Mikolajczyk et Marin Bea). Dans un ouvrage où il est facile de tomber dans l’extériorité et la vulgarité, les interprètes défendent une approche qui, sans rien renier du brio de l’ouvrage, possède une densité étonnante. Quant à la discipline et l’enthousiasme dont les stagiaires font preuve sous la baguette de Csaba, ils forcent d’admiration !

Depuis son arrivée à la présidence de l’Académie Ravel, Jean-François Heisser a eu le souci d’accroître la place de la musique de la seconde moitié du XXe siècle et de la création contemporaine à Saint-Jean-de-Luz. Lors du concert d’Urrugne le 16 septembre, Koichi Komine, qui vient de terminer ses études au Conservatoire de Paris dans la classe de Bruno Pasquier, a ainsi offert une mémorable Sonate pour alto solo de Ligeti, fouillée, construite et extrêmement prenante.

On aura aussi fait de belles découvertes avec des ouvrages de Christian Lauba et d’Alexandre Lévy. Du premier, passionné par le jazz, on entend d’abord Blue Party : un mélodrame en hommage à Billie Holiday où Jean Claude Pennetier prend le rôle - inattendu - du récitant, en compagnie de la pianiste Wenjiao Wang, qui se joue avec une rare aisance des difficultés d’une partie de piano dont la fluidité et la fulgurance symbolisent la brève et tragique existence de l’artiste américaine. Le ton est moins grave le lendemain avec Porgy Stride pour deux pianos (un hommage à Art Tatum). Cette pièce (originellement écrite pour Boris Berezovsky et Brigitte Engerer) permet à Anne Bertin-Hugault et Christia Hudziy de conclure l’audition de piano de l’après-midi du 16 dans la meilleure humeur. Deux pianistes que l’on a par ailleurs entendues, l’une dans Ondine de Ravel, l’autre dans la 1ère Ballade de Chopin et qui nous ont paru fort dignes du Prix Musée Bonnat qu’elles ont remporté au terme de l’Académie.

Jeune compositeur né en 1971, Alexandre Lévy était au programme du concert d’Urrugne le 16 septembre. Les deux extraits des Paroles de poilus, interprétés avec une bouleversante ferveur par le baryton Christophe Gautier et le pianiste Philippe Biros, ont révélé un créateur au langage personnel et attachant. Il nous tarde de découvrir le cycle dans son intégralité !

Toujours à propos de chant, et pour conclure, le Prix Bernac de l’Académie Ravel est désormais attribué après concertation des professeurs et non plus au terme d’un concours comme c’était l’usage jusqu’ici. L’Académie 2006 a distingué la soprano Aurore Bucher et la mezzo Tomomi Mochizuki – qu’un séjour trop bref à Saint-Jean-de-Luz ne m’a hélas pas permis d’entendre.

Alain Cochard

Photo : DR

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