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Saint-Denis - Compte-rendu : Berlioz dans la basilique des rois de France


Berlioz ayant toujours appelé de ses voeux la démesure, notre Hector national serait bien mal venu de se plaindre du voisinage des tombeaux des rois de France dans l'immensité acoustique de la basilique de Saint-Denis! D'autant que même ses messes ressortissent plus du rituel personnel et narcissique que de l'ordinaire catholique. Depuis qu'il y a plus de quarante ans, Sir Colin Davis a donné leurs lettres de noblesse à ses Troyens restitués dans leur intégralité à Londres, le maestro fait figure de gardien du temple berliozien. Il n'a pas failli à sa juste réputation en dirigeant son célèbre Requiem au Festival de Saint-Denis.

Si l'arthrose alourdit un peu sa marche, il domine toujours le monstre sonore avec le même flegme britannique. Par un savoureux phénomène de mimétisme, sa crinière blanche évoque le compositeur rebelle tandis que son profil le rapproche de notre Charles Munch. La ressemblance s'arrête là, si l'on ose dire, car Munch œuvrait dans l'ivresse de l'instant là où Sir Colin prépare et dose ses effets avec une sage lenteur qui, de fait, convient particulièrement à la réverbération meurtrière des voûtes gothiques élevées par l'abbé Suger.

On reste admiratif devant la progression qu'il parvient à imposer dans le redoutable Dies Irae. Contrairement à d'autres plus soucieux de tape à l'oeil que d'efficacité acoustique, le chef s'est bien gardé d'égailler aux points cardinaux de la nef le célèbre quatuor de fanfares dont les interventions seraient bien évidement parvenues en retard à nos oreilles: il les avait simplement placées aux angles de la masse orchestrale et chorale constituée du National et des Choeurs de Radio France et de l'Académie Sainte-Cécile de Rome. Ainsi évite-ton les décalages intempestifs !

Tous ont suivi le maître avec une révérence empressée qui répondait au confort où il les avait installés. Jusques et y compris le ténor belge Marc Laho (photo), brillant soliste du Sanctus. Ce sont, bien sûr, les parties les plus intimistes, notamment les choeurs a capella, qui ont souffert du gigantisme d'un lieu qui n'a rien de commun avec l'espace sonore de Saint-Louis des Invalides pour lequel Berlioz conçut son chef-d'oeuvre. Mais l'émotion et la ferveur furent au rendez-vous.

Jacques Doucelin

Festival de Saint-Denis, basilique, 11 juin 2008.

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Photo : DR

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