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Roméo et Juliette par l’Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Daniel Harding – Un Berlioz resplendissant - Compte-rendu

Daniel Harding s’est fait le champion de Roméo et Juliette, la symphonie dramatique avec chœur et voix solistes de Berlioz, qu’il a dirigée à différentes reprises (et prochainement avec l’Orchestre de la Suisse romande). Il y revient à l’auditorium de la Maison de la Radio à la tête de l’Orchestre philharmonique et du chœur de Radio France, pour une soirée des mieux accomplies qui confirme sa connaissance intime de l’ouvrage. Le concert bénéficie en outre de l’excellente acoustique de la salle et d’une exécution en continu sans entracte ni interruptions. Ce qui diffère notablement et opportunément de la récente prestation de l’œuvre à la Philharmonie de Paris dirigée par John Nelson, en dépit de ses vertus interprétatives (1).
 

Virginie Verrez (au fond) et le Chœur de Radio France © David Abramowitz – Radio France
 
Devant une salle comble d’un public lourd d’attention, le Philhar en grande formation (avec répartition d’époque, premiers et seconds violons de part et d’autre du plateau) s’épanche depuis de multiples délicatesses à d’envols éclatants, mené qu’il est d’une battue vigoureuse et pointilleuse. Tant l’entente entre l’orchestre et Harding semble à son meilleur. La fusion avec le chœur (préparé par Lionel Sow), distribué selon les indications de la partition, en petite formation pour prologue, en coulisse pour le passage « Nuit sereine », en grand ensemble en partie haute de la salle pour le finale, se fait parfaitement sans interférences intempestives voix et instruments, depuis les piano délicats jusqu’aux forte impérieux.
 

Edwin Crossley-Mercer © David Abramowitz – Radio France
 
La mezzo Virginie Verrez lance ses « Strophes » du prologue avec le phrasé approprié, alors que le ténor Andrew Staples s’acquitte avec la légèreté idoine de son « Scherzetto ». On serait plus réservé pour le Père Laurence du Finale, par Edwin Crossley-Mercer, non pas en raison de ses mérites vocaux dans un legato soutenu et une parfaite élocution (à l’instar des deux autres solistes), mais pour sa tessiture de baryton sans la profondeur grave de basse souhaitable. Il en résulte, outre une couleur faible préjudiciable à la majesté de ce rôle déclamatoire, une émission limitée dont pâtit son contrepoint vocal (pourtant au devant du plateau) avec le chœur (en fond de salle), couvert par celui-ci dans le « Serment » conclusif.
 
Mais cela n’empêche l’emportement général, de ce Finale comme de l’ensemble du concert, parmi les mille subtilités de « la plus belle musique du monde » (Toscanini), cette musique de chambre pour grande formation dans un rendu resplendissant qui lui rend pleine justice. À constater aussi la ferveur et l’enthousiasme de l’accueil du public, on en vient à penser : Berlioz enfin prophète en son pays ! Et désormais, il faudra compter avec Harding, autre chef britannique, parmi les interprètes d’élection de Berlioz. La relève est assurée !
 
Pierre-René Serna

(1) Compte-rendu : www.concertclassic.com/article/romeo-et-juliette-de-berlioz-par-lorchestre-philharmonique-de-strasbourg-et-john-nelson
 
Berlioz : Roméo et Juliette – Paris, Auditorium de la Maison de la Radio, 30 septembre 2022.
Concert capté par Arte Concert, disponible jusqu’au 29 mars 2023 // 
www.arte.tv/fr/videos/104533-012-A/daniel-harding-dirige-romeo-et-juliette-de-berlioz/
 
Photo © David Abramowitz – Radio France

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