Un passage au Festival de Musique de Dinard à la toute fin du mois d’octobre nous a permis de découvrir un merveilleux spectacle de La Compagnie Sensible et donné l’occasion de saluer l’originalité et la qualité du travail accompli par cet ensemble, né en 2019, qui s’attache à rendre parlantes pour le public d’aujourd’hui des musiques, souvent méconnues, d’un passé lointain.(1) Sous forme de salon de musique ancienne au milieu des années 1920, la soirée dinardaise se présentait comme un « voyage dans le temps », autour de plusieurs déclinaisons du sentiment amoureux. Un spectacle aussi savant qu’accessible qui a emporté la pleine adhésion de l’auditoire.

 
Autour de l’Oraison funèbre pour Henriette de France

On ne doute pas que le succès sera identique, le 6 décembre à Paris, en plein cœur du Marais, à l’église Saint-Paul-Saint-Louis (jadis église Saint-Louis-des-Jésuites, elle prit son nom actuel en 1802). Un autre voyage dans le temps y attend le public, bien différent de celui précédemment évoqué. Dans une église uniquement éclairée à la bougie, on découvrira en effet un spectacle musical conçu pour clôturer le colloque que la Sorbonne consacre le même jour aux oraisons funèbres de Bossuet (« Les oraisons funèbres de Bossuet, actualités d’un genre fantôme »).

 

Charles di Meglio © Maud Subert

Le comédien, metteur en scène et directeur de la Compagnie Oghma (2), Charles Di Meglio, connu pour son amour de la littérature du Grand Siècle, a choisi l’Oraison funèbre de Henriette-Marie de France, prononcée le 16 novembre 1669 à Sainte-Marie de Chaillot :
 
« Monseigneur,
Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons ... ”

 

Le Petit Chœur de La Compagnie Sensible à la cathédrale de Meaux en octobre 2025. Sylvain Chen ouvre la marche © La Compagnie Sensible

Plain-chant et faux bourdons
 
Une oraison funèbre ne comporte pas de musique mais, pour les besoins de cette conclusion de la journée Bossuet, Sylvain Chen, directeur musical de La Compagnie Sensible, a imaginé une solution où elle trouvera sa place. Il a beaucoup fouillé du côté du plain-chant néogallican, domaine pour le lequel il se passionne et présente comme « le pendant sacré des chansons populaires que les gens chantaient dans les rues. » Ce contrepoint musical à la déclamation de l’oraison par Charles di Meglio (en prononciation restituée ; si vous n’avez jamais vu encore le comédien à l’œuvre, c’est le moment ou jamais ! ) comprendra du plain-chant et des faux bourdons de tradition française du XVIIe siècle autour de l’office des morts (des pages parmi lesquelles on trouvera les signatures de Du Mont et Charpentier, qui fut on s’en souvient en activité à église Saint-Louis-des-Jésuites à la toute fin du XVIIe siècle). Mais on entendra aussi des antiennes tirées de l’Antiphonaire de Meaux ou du Processionnal de Chelles.
 
Pour mener à bien ce projet inédit, Sylvain Chen peut compter sur les voix de Pétronille Ancel (soprano) et Maylis Moreau (mezzo - et remarquable gambiste !) et du Petit Chœur de La Compagnie Sensible (photo), formé de chanteurs amateurs qui travaillent assidûment depuis des semaines. N’hésitez pas, le concert est en entrée libre – comme la participation au chapeau !
 
Alain Cochard