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Rencontres musicales de Vézelay - Musiques d’éternité - Compte-rendu

Depuis toujours, la Sérénissime a fasciné. «Ville riche en or, certes, mais plus encore en renommée et en vertu», elle fut ce «miracle du monde» que maints festivals saluent aujourd'hui, en cette année-anniversaire de la mort, voici quatre siècles, de Giovanni Gabrieli, Vénitien glorieux entre tous. Parmi ces célébrations, on retiendra tout particulièrement les Rencontres musicales de Vézelay où vient de briller le Choeur Arsys Bourgogne, patiemment façonné in situ par Pierre Cao et dont le concert d'ouverture en la Basilique Sainte Marie-Madeleine (23 août), avec la caution de l'opulent instrumentarium de la Fenice conduit par Jean Tubéry, allait bien au-delà du simple hommage polychoral.

Autre temps fort : le vrillant concert conclusif du 25 août, toujours donné en la Basilique Sainte Marie-Madeleine et qui vivait intensément le drame de la Saint-Matthieu de Bach, impliquant notamment dans la relecture, outre le collectif d'Arsys Bourgogne, l'orchestre des Talens Lyriques, familier des causes baroques, et un plateau de voix solistes rompues aux joutes de l'oratorio (le soprano de Dorothée Mields, l'alto de Marianne Beate Kielland l'évangéliste de Lothar Odinius,etc.,), tous sous la conduite de Pierre Cao.

Auparavant, le 24 août, en l'église voisine de Saint-Père, les Singphoniker(photo) s'étaient distingués en polyphonistes émérites, associant la Messe pour les Défunts de Pierre de la Rue, emblématique de l'Ars perfecta des Franco-flamands, à un choix pertinent d'auteurs contemporains, dont le très original Finlandais Rautavaara qui ne cesse pas d'être lui-même entre surprises d'écriture et tradition et qu'on retrouvait le même soir en meneur de jeu dans le concert des «Voix célestes» où se remarquaient également le Norvégien Kurt Nystedt et l'Estonien Arvo Pärt, via le chant sans apprêt, mais à la justesse réjouissante, du Choeur d'enfants de Tapiola.

Reste ce qui aura peut-être été le sommet spirituel de ces trois journées hors normes: la recréation au concert de l'Office des Ténèbres du Samedi-Saint en l'église Saint-Jacques d'Asquins. Dépouillant tout apparat (7 chantres et un simple soutien de douçaines et flûtes à bec), les pélerins de Doulce Mémoire s'immergeaient dans l'impressionnant rituel funèbre propre à la Chapelle Sixtine au XVIème siècle (les cierges y étaient progressivement éteints jusqu'à ce qu'une obscurité totale, reflet de la nuit de l'âme, règne après le Miserere). Telle quelle, une extraordinaire musique d'éternité s'y afflige : celle-là même qu'écrivit l'Andalou Cristobal de Moralès à Rome et qui nous parle du temps, «mais d'un temps immobile, contemplatif, incroyablement concentré» sur le texte magnifique des Lamentations de Jérémie, idéalement revisité par Denis Raisin-Dadre et les voyants de Doulce Mémoire.

Roger Tellart

Rencontres musicales de Vézelay, du 23 au 25 août 2012

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Photo : François Zuidberg
 

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