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« Porgy and Bess Jazz Club » à l’Auditorium de Bordeaux – Axelle & Chœur – Compte rendu

Un spectacle de fin de saison peut aisément se changer en spectacle de fin d’année : l’humeur festive de décembre rejoint celle de juillet, et voilà sans doute pourquoi l’Opéra de Bordeaux a décidé de reproposer en ce mois de décembre 2025 le concert mis en espace qui avait été proposé en juin 2023, le succès remporté alors justifiant la reprise. Le concept n’a pas changé : l’adaptation conçue par Emmanuelle Bastet réduit à 75 minutes une œuvre dont les représentations scéniques ordinaires durent environ trois heures, en transposant l’action des taudis de Charleston vers un club de jazz fréquenté par une clientèle blanche servie par des blancs, seuls les personnages principaux étant afro-américains (les deux rôles-titres, ainsi que Clara/Serena et Crown).

© Eric Bouloumie
Tous les morceaux qui ont fait la célébrité de l’ouvrage
C’est évidemment l’occasion d’offrir un pot-pourri des meilleures pages de la partition, en élaguant tout ce qui relève davantage du récitatif. Pourtant, dans la mesure où cette adaptation conserve l’essentiel de la trame de l’opéra (Bess délaisse Crown au profit de Porgy, Crown revient la chercher, Porgy le tue, Bess suit Sportin’ Life, Porgy part à sa recherche), il faut bien conserver quelques passages relevant plus du dialogue en musique. Curieusement, le premier duo des deux protagonistes (« Bess, you is my woman now ») est éliminé ; on pourrait aussi regretter la suppression de « A red-headed woman », qui aurait offert à Crown un véritable air. Pour le reste, on retrouve bien tous les morceaux qui ont fait la célébrité de l’unique opus lyrique de Gershwin.

© Eric Bouloumie
Un chœur d’une ardeur sans faille
Au pianiste Martin Tembremande incombe la lourde tâche de se substituer à l’orchestre : après l’ouverture où l’on reconnaît les passages écrits pour le piano qui s’insèrent au milieu de la transcription, l’oreille accepte sans peine cet arrangement, complété par la prestation inattendue d’un des barmans, le percussionniste Alexis Duffaure, qui utilise tous les objets disponibles pour apporter une plus-value sonore. Le chœur de l’Opéra de Bordeaux peut donc une fois encore enchaîner les tubes avec une grande maestria rythmique, dansant et chantant à la fois le plus souvent avec une ardeur sans faille, sous la direction énergique mais précise de son chef, Salvatore Caputo ; on ne saurait rester indifférent aux interventions de la soprano Héloïse Derache, issue du pupitre des sopranos, dans « Where is brudder Robbins ».

© Eric Bouloumie
Une voix d’une largeur impressionnante
Par rapport à 2023, la distribution a légèrement changé, et l’équilibre des forces en présence s’en trouve probablement modifié. Parmi les « revenants », Clément Godart est un Jake qu’on aimerait plus généreux dans le grave, Jean-Laurent Coëzy impose sa présence en Crown, et si l’on a connu des Sportin’ Life plus extravertis, Mitesh Khatri interprète le personnage avec toute la sournoiserie voulue. Joé Bertili est toujours un Porgy plein de conviction, mais peut-être un peu monochrome. Le rôle de Bess incombe désormais à Cyrille Ndjiki Nya, au timbre prenant mais à qui l’on souhaiterait souvent une diction plus incisive. Reste donc, face au chœur, la Clara/Serena d’Axelle Fanyo qui triomphe haut la main, diva de jazz club en petite robe noire qui chante « Summertime » devant un (faux) micro, puis atteint des sommets d’émotion dans « My man ’s gone now », projetant admirablement une voix d’une largeur impressionnante et incarnant toutes les facettes du personnage hybride voulu par la mise en scène ; on est heureux de la réentendre dans le trio du dernier acte, avec Porgy et Maria (Aviva Manenti).
Laurent Bury

D’après George Gershwin (adapt. E. Bastet) : Porgy and Bess Jazz Club. Production créée à l’Auditorium de Bordeaux en juillet 2023, reprise pour trois soirs. Troisième et dernière représentation, 6 décembre 2025
Photo © Eric Bouloumie
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