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« Polska » par l’Orchestre des Jeunes d’Île-de-France – Un Lutoslawski d’anthologie – Compte-rendu

Pas question pour l’Orchestre des Jeunes d’Île-de-France de s’endormir sur ses lauriers ! A peine plus d’un mois après un remarquable concert « Nuits d’hiver » (des ouvrages pour cordes) à la salle Cortot (1), David Molard et sa phalange étaient de retour, au CRR de la rue de Madrid cette fois, avec « Polska », programme aussi original que contrasté et bien construit, tout entier occupé par des auteurs polonais.
 

Nathanaël Gouin © nathanaelgouin.com

Les cordes seules commencent avec le rare Tombeau de Chopin du tout aussi rare – et il faut le regretter – Alexandre Tansman (1897-1986), triptyque écrit en 1949 pour le centenaire de la mort du compositeur. Nocturne-Mazurka-Postlude : dans les deux sections extrêmes, jouées con sordini, les archets de l’OJIF montrent une exemplaire homogénéité et une belle et secrète intensité poétique. Après le tonus rythmique du volet central, qui rappelle la dette de Chopin envers le folklore de sa terre natale, le lyrisme de la dernière partie se déploie dans une atmosphère aussi recueillie que prégnante.
 

© Matthieu Joffres

Place à Frédéric Chopin ensuite, avec le 2ème Concerto en fa mineur sous les doigts inspirés de Nathanaël Gouin. Ouvrage archi-rabâché, l’Opus 21 prend une saveur toute particulière grâce à la fraîcheur et à la poésie de l’interprète, certes, mais aussi en raison du piano utilisé : un grand queue Pleyel de 1892. Rien à voir avec les instruments archi homogénéisés de notre époque ; celui-ci dispose de vrais registres et Gouin sait en exploiter la personnalité avec une profonde intelligence. Ce faisant, il ne perd jamais de vue l’esprit d’une partition née de la plume d’un créateur tout juste sorti de l’adolescence et trouve chez D. Molard et ses musiciens un accompagnement frémissant de relief ; tout le contraire de la routinière toile de fond que l’on déroule si souvent dans les concertos de Chopin. Chanteur inspiré –  mais jamais diva ! – le soliste tire du Larghetto tout son suc belcantiste avec une simplicité et un sens de l’épure que l’on retrouve, au moment du bis, dans un Nocturne op. 62 n°1 aussi naturel que raffiné.
 

  David Molard © Matthieu Joffres

Aux cordes seules revient aussi d’ouvrir la seconde partie avec Orawa de Wojciech Kilar, brève pièce dont l’énergie prélude idéalement au Concerto pour orchestre de Lutoslawski. David Molard aime à confronter l’OJIF à d’exigeantes partitions. Il pouvait difficilement en trouver de plus redoutable que cette composition datée de 1954, hérissée de difficultés. Une semaine de répétition tout juste : pas un pupitre pris en défaut ; le résultat saisit de bout en bout tant par la richesse des timbres que la cohésion et l’intensité d’une interprétation où le sens du collectif et la conscience du défi à relever font des miracles, sous la conduite d’une baguette qui obtient continûment le meilleur de ses troupes.

Autant dire que la saison de l’OJIF se termine en beauté pour ce qui est de sa partie symphonique. On n’oublie pas toutefois que la formation comprend aussi un volet baroque, l’OJIF Collegium, dont le chef, Christophe Dilys, concocte en ce moment un programme autour du célèbre Concierto barroco d’Alejo Carpentier. Un « concert-fiction » que l’on découvrira le 9 juillet prochain au Conservatoire de Clichy-la-Garenne.
Enfin, il convient de rappeler que l’aventure de l’OJIF ne reçoit le soutien d’aucun organisme public ou privé (2) et qu’une levée de fonds en lancée en prévision de la saison prochaine (3).

Alain Cochard

Paris, CRR ( Auditorium Landowski) 7 avril 2019 // www.ojif.fr

  1. Lire le CR : www.concertclassic.com/article/lorchestre-des-jeunes-dile-de-france-la-salle-cortot-nuits-enchainees-compte-rendu
  2. A l’exception de l’Institut Polonais pour « Polska » et de la Sacem pour deux créations.
  3. Dons déductibles du revenu imposable : www.billetweb.fr/ojif

 
Photo © Matthieu Joffres

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