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Polina Semionova et son frère Dmitry : une paire hors pair parmi les Etoiles du XXIe siècle

Elle est une liane brune, lui une flamme blonde. Il faudra bien écarquiller les yeux au moment du passage de l’éblouissante Polina Semionova (photo) et de son frère Dmitry parmi la pléiade d’étoiles qui vont se succéder trois soirs de suite sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées. Grâce à sa série des « Etoiles du Siècle », c’est un rare cadeau que fait le producteur Richard Stephant au monde des balletomanes parisiens en lui offrant ces quelques minutes volées aux chanceux berlinois, lesquels s’émerveillent tout au long de l’année de la présence de la divine ballerine. La danse a toujours eu besoin de locomotives. Mais elles sont aujourd’hui presque inexistantes, malgré la perfection devenue glacée des institutions pétersbourgeoises et moscovites, l’excellence inspirée des danseurs hambourgeois dévolue au seul maître qu’est John, Neumeier, et les solides qualités de la troupe parisienne, qui ne manque que de l’essentiel, la personnalité.

Bon sang ne saurait mentir, Semionova est russe, pays béni des fées chorégraphiques depuis que Petipa le toucha de sa baguette magique. Du temps des ballets de Diaghilev, elle eût enflammé le monde. A Berlin, compagnie solide sur laquelle règne le brillant et académique Vladimir Malakhov, son rayonnement demeure malheureusement trop confidentiel. Car il s’agit bien d’une merveille, comme une Sylvie Guillem : une silhouette qui obéit aux diktats contemporains, d’une longueur effilée, d’une perfection graphique de ciseau, d’une élévation et d’un axe qui font que tout paraît vaciller autour d’elle lorsqu’elle s’élance de sa pointe ou s’y repose somme sur un socle.

Le quart de siècle de Semionova, formée au Bolchoï, est aujourd’hui porteur d’une maîtrise à laquelle aucune danseuse européenne ne peut prétendre à ce jour, une Lucia Lacarra à Munich exceptée. Son règne est classique, et sa grâce aussi précise que souple fait vibrer autant l’Odette-Odile du Lac des Cygnes que la douloureuse et sensuelle Bayadère, ou la pétillante Aurore de la Belle au Bois Dormant. Un univers de contes souvent cruels malgré leur joliesse, auxquels elle apporte une touche de modernité qui l’impose aussi dans quelques rôles contemporains signés Uwe Scholz et Christian Spuck. A ce jour, Polina rêve de Paris, de voyages paisibles vers le Sud, elle semble sereine au sommet de sa pyramide, avec des airs de petite fille sage dont on aimerait juste que la vie les bouscule un peu, pour lui donner la pointe de dramatisme qui lui manque parfois. Tandis que tourbillonne autour d’elle son frère aîné, le pétillant Dmitry, étoile lui aussi du ballet berlinois, qui lui est un partenaire complice.

Ne manquons donc pas ce pas de deux du Corsaire qui passera comme un éclair et ce Come neve al Sole de Rolando d’Alesio, au sein d’un programme de pièces d’anthologies. La vie chorégraphique parisienne, privée de vrai Festival lui donnant une ouverture sur le monde, n’est pas si fertile en instants précieux. D’autant que ces trois galas d’étoiles en fourmillent, notamment avec le phénoménal Daniil Simkin, vedette de l’American Ballet Theatre : la virtuosité d’elfe de ce russe de vingt-deux ans fait crier les foules.

Jacqueline Thuilleux

Gala des Etoiles du XXIe siècle - TCE, les 18, 19 et 20 septembre 2009

> www.theatrechampselysees.fr

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Photo : DR
 

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