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Polieukt de Krauze en création française au Capitole de Toulouse - Un hymne à la tolérance - Compte-rendu



Créé à Varsovie le 20 octobre 2010, l’opéra du Polonais Zygmunt Krauze (né en 1938) est repris dans une configuration scénique plus étoffée au Théâtre du Capitole dans le cadre du cycle « Présences vocales ». Le metteur en scène Jorge Lavelli (qui est, avec Alicja Choińska, l’auteur du livret d’après la pièce éponyme de Corneille), tout en plaçant l’action dans l’Arménie du IIIème siècle où le pouvoir romain est confronté au prosélytisme du christianisme, a librement transgressé le texte originel pour en faire un Polieukt en langue polonaise. L’homosexualité est explicitement signifiée dès la scène I de l’acte I par la relation sensuelle entre Polieukt et son ami Neark. Si le sentiment religieux joue le rôle d’un fil conducteur tout au long de la représentation, les questions posées par l’exercice du pouvoir, l’esprit de tolérance, prédominent. Le final en forme de happy end, après le supplice de Polieukt condamné à mort pour avoir brisé les idoles païennes, est un chant de liberté contre toutes les formes de fanatisme qu’elles soient politiques, religieuses ou sexuelles.
Un sujet d’actualité en somme !


La collaboration entre Zygmunt Krauze et Jorge Lavelli ne date pas d’aujourd’hui puisqu’à plusieurs occasions, leurs chemins se sont croisés à la Comédie-Française (pour Polyeucte de Corneille), au Théâtre National de la Colline (en 1989 pour l’opéra La Star, ainsi que d’autres musiques de scène). Dans Polieukt, l’action est subordonnée aux relations entre les personnages, leurs antagonismes, le conflit entre la passion et le pouvoir, sans que jamais l’intérêt dramaturgique n’en souffre. La musique alterne des séquences brèves mais suggestives entrecoupées de courts silences, des bribes mélodiques, des impulsions rythmiques suscitant, par des interventions tels des leitmotivs, des climats très contrastés. Parfois un seul ou quelques instruments (violoncelle, hautbois, cor anglais, éclats de trompette, marimba, grosse caisse, voire accordéon) soulignent les états d’âme.
Des effluves de musique folklorique, des influences fugaces de Szymanowski, de Bartók, mais aussi une écriture très personnelle, suscitent un état proche du fantastique et du rêve entre tonalité et modalité.
La scénographie minimaliste offre un écrin de toute beauté par l’esthétisme du décor, des costumes et des lumières. Des jeux de miroir subtils renvoient le reflet des personnages, les étoffes se déploient avec élégance dans un univers pictural noir, rouge et blanc proche du monde baroque et des méandres de l’âme.


Le plateau vocal se révèle d’une grande tenue. Dans le rôle titre, Jan Jakub Monowid au timbre de contre-ténor ample, magnifie les contradictions et les ambiguïtés par sa fragilité mais aussi par sa détermination. A ses côtés, la soprano Marta Wyłomańska campe son épouse Paulina, tiraillée entre ses passions et ses déchirements. En Sewer, le baryton Artur Janda possède une autorité et une aisance remarquables, tout comme le baryton-basse Andrzej Klimczak en Feliks, gouverneur de l’Arménie, d’une grande noblesse de ton.


Opéra de chambre d’une heure vingt, proche d’un oratorio, Polieukt est bien défendu par la Sinfonietta de Varsovie, les choeurs suggestifs de l’Ensemble des solistes de l’Opéra de chambre de la capitale polonaise et la direction précise et souple de son chef Rubén Silva.
L’ensemble de la production a véritablement conquis le public toulousain à en juger par les nombreux rappels à l’issue de la représentation.



Michel Le Naour




Krauze : Polieukt - Toulouse, Théâtre du Capitole, 6 novembre 2011

www.theatre-du-capitole.fr


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Photo : David Herrero

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