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Pierre Lenert et Etsuko Hirose à la salle Cortot – Duo poète – Compte-rendu

 

Les temps sont fastes pour la musique germanique à la salle Cortot ! Parallèlement au mémorable doublé du Centre de Musique de Chambre de Paris (1), Pierre Lenert et Etsuko Hirose avaient rendez-vous il y peu rue Marcadet à l’occasion de la sortie d’un disque (2) réunissant des pages de Robert et Clara Schumann, Joseph Joachim et – bien évidemment faut-il dire compte-tenu des liens biographiques unissant les quatre artistes – Johannes Brahms (aspect que les mots de présentation de Stéphane Friedrich sont venus illustrer).
 
Premier alto solo de l’Opéra de Paris et professeur très demandé à l’Ecole Normale de Musique – dont le niveau et l’attractivité vont croissant depuis quelques années grâce justement à l’entrée de musiciens de ce calibre dans le corps enseignant –, Pierre Lenert compte parmi les tout grands archets français.
Les occasions d’entendre ce pur poète en musique de chambre ne sont pas si nombreuses et le bonheur était d’autant plus grand de le retrouver dans l’écrin parfait de Cortot qu’il avait pour partenaire Etsuko Hirose, avec laquelle il a officiellement fondé un Duo en 2020.  Bien lui en a pris car la pianiste, que l’on connaît souvent sous un jour plus virtuose (on lui doit un bel enregistrement des redoutables Etudes d’exécution transcendante de Liapounov pour Mirare), se révèle être une chambriste accomplie.
 

© Isabelle Aubert

 
Altiste hors pair, Lenert joue aussi —  et fort bien ! – du violon. C’est sur cet instrument qu’il ouvre le concert, avec les Trois romances op. 22 (1853, dédiées à Joseph Joachim) de Clara Schumann qui, d’entrée, installent un dialogue complice et chaleureux avec Etsuko Hirose dans un cahier méconnu et séduisant. Le lyrisme, la ferveur de son archet vont de pair avec une intense pudeur, une totale absence d’effet ; la musique s’épanouit librement – que de naturel et d’émotion vraie dans la troisième pièce (Leidenschaftlich schnell), aussi fluide que vibrante.
 
Connu comme grand virtuose, créateur entre autres du Concerto pour violon de Brahms, Joseph Joachim (1831-1907) laisse d’attachantes compositions. À preuve ces 3 Mélodies hébraïques op. 9 pour alto et piano (de 1855, d’après des poèmes de Byron) dont Lenert, sur son somptueux Vuillaume, offre les nos 1-Sostenuto et 2-Grave. Avec une expression d’une prenante vocalité, l’altiste trouve sans cesse dans le jeu plein de couleurs et de nuances – et le formidable instinct musical ! – de sa partenaire le terreau lui permettant de toujours aller au bout de ses intentions.
Quel art de la narration le duo montre-t-il dans les Contes de fées op. 113 de Robert Schumann. Quatre pièces, fameuses celles-là, au long desquelles le grain, la chair sonore pourrait-on presque dire, de l’altiste traduit avec spontanéité l’esprit fantasque de l’auteur.
 
Le mot de la fin revient à Brahms et sa Sonate pour alto et piano op. 120 n° 2. Sacrée leçon de musique que celle offerte dès l’Allegro amabile par deux instrumentistes unis dans une commune respiration. Opus quasi ultime du musicien allemand, la Sonate en mi bémol majeur rime avec quintessence, rien ne s’y disperse : l’absolue simplicité avec laquelle les deux instrumentistes l’abordent montre à quel point il en saisissent – en éprouvent – l’essence profonde.
Un bonheur sans mélange que prolonge, en bis, l’Andante un poco adagio de la Sonate op. 120 n° 1.
 
Alain Cochard
Paris, salle Cortot, 24 janvier 2022
 
(1) www.concertclassic.com/article/leo-vermot-desroches-et-yun-ho-chen-cest-la-faute-werther-au-centre-de-musique-de-chambre-de
 
(2) 

Brahms : Sonates pour alto et piano nos 1 et 2, Clara Schumann : 3 Romances pour violon et piano op. 22, Joseph Joachim : Trois Mélodies hébraïques pour alto et piano op. 9, Romance pour violon et piano ( 1 CD Continuo Classics CC 777.743)

 
Photo © Caroline Doutre

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