On a du mal y croire face à une telle qualité du dialogue musical mais –  oui ! – c’est bien la toute première fois que Pierre Fontenelle et Jodyline Gallavardin se produisent en duo. Une de leur amie commune, la pianiste Ninon Hannecart-Ségal a eu la bonne idée de les présenter à Yann Ollivier, directeur artistique du Festival de Dinard, qui a eu la non moins bonne idée de leur proposer un concert autour de Schubert, l’un des fils rouges de l’édition 2025. Dans cette perspective, le violoncelliste et sa partenaire ont imaginé un programme d’une grosse heure sans entracte, parfaitement équilibré, intitulé « Schubert & Co ». On y trouve évidemment le compositeur autrichien, mais aussi Mendelssohn, Messiaen et même Ginastera.
 

© Jean Enders
 
 
Un jeu charmeur, mais qui jamais ne prend la pose
 
L’Impromptu op. 90 n°3, si fortement imprimé dans la mémoire de tout un chacun dans sa version originale, surprend forcément lorsqu’on l’entend dans l’arrangement de Mstislav Rostropovitch. Mais on se laisse vite prendre : une vrai étreinte lyrique – et un moment suspendu comme on en trouvera d’autres au cours du concert.
Suit un Mendelssohn pour le moins méconnu : les Variations concertantes pour violoncelle et piano op. 17. Une ouvrage né de la plume d’un compositeur de 20 ans dont le violoncelliste belge s’empare de la plus séduisante façon. D’un jeu charmeur, mais qui jamais ne prend la pose, il fait corps avec la variété d’humeur des huit variations ; il chante, il brille avec chic et esprit, porté par le jeu vivant et plein de relief de Jodyline Gallavardin : un régal ! 

 
Hypnotique pureté
 
Qui dit Schubert et duo violoncelle/piano, pense évidemment à la fameuse Sonate « Arpeggione » ; les interprètes ont pris le parti de se limiter au premier mouvement. Une musique parmi les plus rabâchées à laquelle Fontenelle et Gallavardin apportent beaucoup de fraîcheur et de liberté au cours d’un échange très complice.
Changement complet de répertoire et grand saut dans le temps avec la Louange à l’éternité de Jésus, tirée du Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen. Par-delà la complicité musicale, les jeux des deux artistes fusionnent littéralement pour un moment d’une hypnotique pureté. Pareil résultat lors d’un premier concert en duo oblige Pierre Fontenelle et Jodyline Gallavardin à renouveler leur collaboration.
 

© Jean Enders

 
Appétit musical
 
Sentiment qui n’est que conforté par l’écoute de Pampeana n° 2 d’Alberto Ginastera ; une rhapsodie mêlant images de la pampa et rythmes populaires – méditation et exacerbation. Intimement liée à l’existence du compositeur argentin puisqu’elle fut écrite en 1950 pour Aurora Natola, sa seconde épouse, la pièce, très contrastée, exige des interprètes une totalité mobilité dans les éclairages. Le défi est relevé – et avec quel bel appétit musical !
Schubert a le mot de la fin avec un vibrant Ave Maria, puis la reprise en bis – pour le plus grand bonheur d’un auditoire aussi nombreux qu’enthousiaste – de l’Impromptu qui ouvrait le concert.

 

 
Envoûtante « Nuit blanche »
 
On espère, on l’a dit, retrouver Pierre Fontenelle en duo avec Jodyline Gallavardin. Pour l’heure, à plusieurs occasions, c’est au côté de Ninon Hannecart-Ségal qu’on pourra entendre (en Belgique et au Luxembourg) ce magnifique archet dans les semaines qui viennent (1)
Quant à Jodyline Gallavardin (2), elle fait l’actualité discographique de l’automne avec la sortie d’un nouveau récital chez Scala Music. On avait beaucoup apprécié ses « Lost Paradises », programme très original qui a révélé la pianiste à un large public. Cette fois, avec « Nuit blanche », elle est allée encore plus loin dans l’art de la mosaïque musicale en réunissant des pages de Liapounouv, Lourié, Scriabine et Séverac (parfaitement en situation en cette russe compagnie) : envoûtant et fabuleusement abouti ! Un disque dont la sortie (officielle le 14 novembre) sera marquée par un récital parisien à la Scala le 18 novembre.(3)
 
Alain Cochard