Journal
La Création de Haydn par l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes à l’Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand – Le style, l’esprit, la vie – Compte-rendu

En prenant ses fonctions de premier chef invité de l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes en 2021, Thomas Zehetmair (photo) prévoyait d’inaugurer son mandat avec La Création de Joseph Haydn ; le covid fit capoter l’entreprise. Quatre ans plus tard, le chef a pu enfin réaliser son projet, offrant à l’auditoire une alternative originale aux Bach et Haendel que l’on a coutume d’entendre en fin d’année. Le public a répondu en nombre à l’Opéra-Théâtre de Clermont Ferrand pour le premier de deux concerts, le second étant programmé le lendemain à l’Opéra de Vichy.
Versatilité stylistique
Durant les premiers mois de 2025, les mélomanes parisiens on pu mesurer le niveau exceptionnel auquel la formation (orchestre national depuis 2019) se situe, à l’occasion de concerts à Notre-Dame et au théâtre des Champs-Elysées, dans des partitions de Mozart, Fauré et Bach. La soirée clermontoise, donnée avec le concours de la soprano Sunhae Im, du ténor Jan Petryka, du baryton Thomas E. Bauer et du Chœur d’Oratorio de Lyon, a offert une nouvelle illustration de la place que l’OnA occupe parmi les phalanges françaises ; son mode de fonctionnement original – Zehetmair est entouré de deux chefs associés, Christian Zacharias et Enrico Onofri – n’étant sûrement pas étranger à la versatilité stylistique et à la capacité d’adaptation dont l’orchestre auvergnat fait montre face à des esthétiques très variées.

© OnA
Un irrésistible ruissellement de musique
De cette Création ont est ressorti impressionné par la justesse stylistique du propos, certes, mais d’un style qui n’avait rien d’un bloc de marbre classique. Tout au contraire, l’oratorio haydnien n’aura été que fluidité et irrésistible ruissellement de musique grâce à l’engagement total et l’esprit très chambriste de l’équipe réunie pour l’occasion. Autour du noyau des cordes (les 22 musiciens permanents de l’OnA, avec l’excellent Guillaume Chilemme en violon supersoliste) étaient venus se greffer divers supplémentaires, parmi lesquels beaucoup d’instrumentistes habitués à collaborer avec l’OnA, tels que le flûtiste Vincent Lucas ou le hautboïste David Walter. Le terme « supplémentaire » paraît d’ailleurs assez impropre s’agissant musiciens qui font vraiment partie de la « famille » OnA.

(de g. à dr.) Jan Petryka, Sunhae Im, Thomas E. Bauer © OnA
Quand les chanteurs se prennent au jeu
Dès le Chaos initial, la plénitude et l’homogénéité du son montraient quel splendide outil Zehetmair avait à sa disposition. Pas un temps mort tout au long des trois volets de l’ouvrage (avec un entracte entre le deuxième et le troisième) ; d’une efficace sobriété, allant, nerveux quand il le faut, mais sans la moindre sécheresse (quelle qualité d’attaque des archets !) et très attentif à l’équilibre des timbres, le chef a su offrir un terrain particulièrement évocateur à des chanteurs qui se sont, à proprement parler, « pris au jeu » du récit biblique.
À commencer par Thomas E. Bauer dont le Raphaël/Adam possédait une humanité, un relief – un humour parfois aussi – à rebours des approches par trop monolithiques, pour ne pas écrire « en bois », de cet emploi. Les deux autres solistes se sont tout autant montrés à la hauteur de l’enjeu ; Sunhae Im d’une luminosité, d’une fraîcheur merveilleuses, et d’une musicalité pas moins affirmée que celle de Jan Petryka dont la voix remarquable de souplesse, d’expression vivante et nuancée, servait un vibrant engagement dramatique. Il était difficile, il est vrai, de résister à l’élan narratif apporté par Zehetmair qui, outre des instrumentistes dont ont a souligné les qualités, pouvait aussi compter sur le Chœur d’Oratorio de Lyon, impeccablement préparé par Catherine Molmerret.

Un enregistrement des Symphonies n° 99 et 104
Haydn réussit décidément à l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes et à Thomas Zehetmair. À preuve : un enregistrement des Symphonies nos 99 et 104, vient tout juste de paraître sur le label de l’OnA et offre une vision aussi convaincante, de style, d’esprit et de vie, de la musique du Maître d’Eszterháza que celle de la Création.
La famille OnA, écrivions-nous plus haut. On a assisté à un moment particulièrement émouvant de son histoire, à l’issue du concert, dans le foyer de l’Opéra-Théâtre, lors du pot de départ à la retraite de son second violoncelle solo, Takashi Kondo, qui a pris part pendant quarante-trois ans – « quarante-trois ans et trois mois », précise-t-il d’une manière toute japonaise – à la vie d’une formation fondée en 1981. Ancien directeur musical, Arie van Beek était présent au côté de Thomas Zehetmair pour saluer un musicien, un chef aussi, que le public clermontois continuera d’apprécier à la tête de l’Orchestre Sostenuto, ensemble de jeunes instrumentistes dont il est le fondateur.
Alain Cochard

Clermont-Ferrand, Opéra-Théâtre, 18 décembre 2025
Site de l'Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes : onauvergne.com/
Photo © Jean-Baptiste Millot
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