Journal

Paul Badura-Skoda au Musée Jacquemart-André – Au-delà des notes – Compte-rendu

Rendez-vous annuel de Paul Badura-Skoda (photo) dans l’intimité du Salon de musique du Musée Jacquemart-André. A 92 ans, il ne faut pas attendre de sa part une démonstration technique dont il n’a jamais fait une fin en soi. Mieux vaut s’attacher à ce qu’il peut transmettre en concert de son expérience irremplaçable tant son intégrité va droit au cœur de la musique.
 
Après des explications orales et chaleureuses sur le secret de la création schubertienne, le pianiste autrichien démontre une nouvelle fois dans les deux dernières Sonates D. 959 et D. 960 la proximité qu’il a toujours entretenue avec des œuvres inscrites dans son arbre généalogique. Si les doigts dérapent parfois, l’essentiel se situe ailleurs, dans la conduite du discours et une direction musicale stylistiquement juste. On est frappés par l’énergie intérieure, la jouissance juvénile d’une exécution qui dépasse la fatigue de l’âge pour atteindre une vive émotion (magique Andantino du D. 959 !).
L’ampleur de la vision, la déclamation qui trouve ses sources dans la vocalité viennoise, une bonhomie toujours expressive et une force intérieure caractérisent ses lectures, d’une élévation de pensée allant au-delà des notes. Face à une telle dépense physique, les reprises des deux derniers mouvements de la Sonate en si bémol majeur sont abandonnés, ce qui génère davantage d’intensité. Le 4e Moment musical donné en bis est, quant à lui, chargé de sens et ouvre des horizons sur l’infini.
 
Michel Le Naour

Paris, Musée Jacquemart André, 2 février 2019

Partager par emailImprimer

Derniers articles