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Patience de Gilbert & Sullivan au Musée d’Orsay - Caustique fraîcheur - Compte-rendu


Il n’y a pas qu’Offenbach, Strauss et Lehar, que diable ! De quel bonheur les responsables des institutions lyriques françaises privent-ils le public en ne programmant jamais les délectables ouvrages de Gilbert & Sullivan ! C’est à l’Auditorium du Musée d’Orsay que l’on doit d’avoir pu savourer une production de Patience montée avec les forces du Royal College of Music de Londres. Dans une capitale britannique conquise depuis plus de deux décennies déjà par la musique d’Offenbach, l’opéra-comique Patience remporta un énorme succès en 1881. On a affaire il est vrai à petit bijou de drôlerie où les deux artistes britanniques – qui en étaient là à leur sixième collaboration – s’en prennent avec une caustique fraîcheur aux excès et aux poses - « anguleuses et plates » - des esthètes de l’Angleterre victorienne.

Le plus simple des décors, quelques accessoires, de jolis costumes signés Nicola Fitchett : la production mise en scène par Donald Maxwell dans une scénographie d’Ann Sommerville, joue la carte de la simplicité et fait d’abord confiance aux qualités d’une partition pétillante et de l’équipe d’étudiants du RCM. Avec raison !

Reginald Bunthorne, poète à la préciosité alambiquée et Archibald Grosvenor, « troubadour au cœur brisé » victime de son insurpassable beauté, trouvent respectivement en David Milner Pearce et Christophe Jacklin d’impayables interprètes. Autour des deux barytons, des jeunes filles en mal d’amour, éprises de médiévisme, de lys et de vers soigneusement emberlificotés : les jeunes chanteuses du RCM les jouent, pâmées à souhait. A leur tête, tête sur les épaules et « charmes déjà mûrs », l’irrésistible Lady Jane, de la contralto Rosie Alford fait merveille. Tout autant que, opposée à cette ribambelle de cruchotes, la Patience de la soprano Susanna Hurrell, fraîche bergère qui saura amener Bunthorne à laisser craquer le vernis de son esthétisme poseur.

Le Duc balourd d’Edward Hughes, le Colonel d’Edward Grint, le Major de David Hansford : tout le monde, jusqu’au plus modeste choriste, mériterait d’être cité dans un spectacle porté par un vrai esprit de troupe où chacun se révèle aussi bon comédien que chanteur. D’une élégance toute british, la baguette de Michael Rosewell mène avec verve et finesse une partition excellemment arrangée pour dix instruments par Eric Wetherell.

A quand un Gilbert & Sullivan sur la scène de l’Opéra Comique ? L’Auditorium bondé d’Orsay et la chaleur de son accueil prouvaient que le public parisien ne demande que ça !

Alain Cochard

Gilbert & Sullivan : Patience - Paris, Auditorium du Musée d’Orsay, 7 mai 2011

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Photo : Sophie Boegly

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