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Parsifal au Grand Théâtre de Luxembourg - Regard iconoclaste - Compte-rendu

Parsifal appelle des interprétations multiples. Avec des bonheurs divers, les mises en scène, au fil du temps, se sont chargées de répondre à l’énigme posée par Gurnemanz à l’acte I : « Tu vois, mon fils, ici le temps devient espace. » Dans ce spectacle venu de l’Opéra d’Anvers, en coproduction avec le Grand Théâtre de Luxembourg, Tatjana Gürbaca a choisi de radicaliser le propos, détournant le caractère religieux et consensuel de l’œuvre pour l’installer de façon réaliste dans le temps présent. La messe semble être dite et les chevaliers fatigués de cette histoire sans fin.

Au sein d’un décor monochrome en demi-cercle sur lequel sont projetés à la manière des paintings de Gerhard Richter des filets dégoulinants d’hémoglobine, les personnages vêtus de costumes contemporains occupent le plateau, stimulés par une véritable direction d’acteurs qui se cherche pourtant une logique. De beaux tableaux (les filles-fleurs fanées du château de Klingsor, les scènes de foule…) sont sans cesse pervertis par des excès délibérés (le déplacement de Gurnemanz dans un fauteuil roulant pour signifier son âge immémorial) ou provocateurs (le lynchage d’Amfortas considéré comme un assassin lorsqu’il refuse de célébrer le Graal, le sang du Christ qui coule à qui mieux mieux…).

Sur le plan vocal, se détache la prestation de Georg Zeppenfeld en Gurnemanz, incarnant un personnage à bout de souffle confondant de naturel et de facilité. Zoran Todorovich campe un Parsifal expérimenté et équilibré mais parfois aux limites de ses possibilités dans le registre aigu. Le deuxième acte nous vaut un moment musical exceptionnel avec la Kundry expressionniste au chant puissant de Susan Maclean. Le Klingsor de Robert Bork fait bonne mesure, comme l’Amfortas de Werner van Mechelen, solide, clair et souple, ou encore le Titurel de Jaco Huijpen.

L’Orchestre Philharmonique du Luxembourg et les excellents Chœurs Flamands ont dû répéter dans l’urgence une production rôdée à Anvers mais avec l’Orchestre de l’Opéra. Cela s’entend à l’acte I qui peine à trouver rythme et tension. Tout s’arrange ensuite sous la direction contrastée d’Eliahu Inbal qui dirige Parsifal pour la première fois de sa carrière. Sans céder aux célestes longueurs métaphysiques, il parvient à ménager des plages de réflexion tout en sachant insuffler un sens narratif dans les moments les plus forts (célébration du Graal, scène de séduction et d’affrontement entre Kundry et Parsifal). Sans être totalement abouti, ce spectacle de cinq heures ne manque ni d’imagination, ni de qualités musicales, mais laisse finalement un sentiment de frustration.

Michel Le Naour

Wagner : Parsifal - Luxembourg, Grand Théâtre, 12 avril 2013, prochaines représentations à Gand (Vlaamse Opera) les 20, 23, 26, 28 avril 2013. http://vlaamseopera.be

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Photo : DR
 

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