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Paris, enfin ! Une interview de Xavier de Maistre

Premier instrumentiste français à avoir été admis à la Philharmonie de Vienne en 1998, Xavier de Maistre compte à trente-six ans parmi les plus grands harpistes de notre temps. Premier Prix et Prix d’interprétation en 1998 de la prestigieuse USA International Harp Competition de Bloomington – un véritable « sacre » s’agissant de cet instrument -, l’artiste français est reconnu dans le monde entier. Hasard d’un parcours assez atypique, c’est seulement aujourd’hui qu’il donne son premier récital en soliste aux Bouffes du Nord (lundi 9 novembre), avant de revenir dans la capitale en janvier pour le Concerto de Ginastera avec Riccardo Muti et l’Orchestre National de France.

N’avez-vous pas le sentiment que, depuis la disparition de Lily Laskine, la harpe a perdu du terrain en France en tant qu’instrument soliste ?

Xavier de Maistre : En effet, la harpe a connu une heure de gloire avec Lily Laskine, très présente médiatiquement en France – mais elle est très peu connue à l’étranger. Après elle, il a été difficile de retrouver quelqu’un qui incarne l’instrument de la même manière. Marielle Nordmann a évidemment fait pas mal de choses, Isabelle Moretti aussi, mais personne n’a réussi à s’identifier à l’instrument comme Laskine y était parvenue.

Il reste qu’il peut-être nécessaire à notre époque de faire connaître un autre répertoire et de donner une autre image que celle, très éthérée, qui accompagne souvent la harpe…

X. d. M. : Je pense que j’arrive à sortir un peu la harpe de cette impasse, de ce côté « Ancien Régime », et à la dépoussiérer d’une image salonnarde en travaillant beaucoup sur le répertoire et en montrant que ce n’est pas un instrument réservé aux jeunes filles de bonne famille.

Car en matière de répertoire, il y a beaucoup de choses à redécouvrir ?

X. d. M. : Pour l’instant je me suis plutôt concentré sur des adaptations car il me semblait plus facile de convaincre par ce biais, avec des compositeurs connus, un nouveau public qui demeurait un peu frileux, sceptique par rapport à l’instrument. Mais il est vrai que tout un répertoire propre à la harpe reste à redécouvrir.

Comment avez-vous conçu le programme de votre récital du 9 novembre aux Bouffes du Nord ?

X. d. M. : C’est un concert un peu particulier pour moi ; j’ai fait jusqu’ici l’essentiel de ma carrière à l’étranger et il s’agit là de mon premier grand récital parisien. J’ai donc cherché à montrer toute la palette de mes activités. Il n’y a pas de thématique particulière, comme souvent dans mes concerts ; c’est plutôt une « carte de visite ». Je joue une pièce d’Henriette Renié, à laquelle j’avais consacré un disque il y a une dizaine d’années, mais aussi de grandes transcriptions qui sont devenues très populaires, telles que La Moldau de Smetana ou La Vida breve de Falla, combinées avec des Haydn, qui constitue le thème de mon dernier CD(1). Il s’agit d’un voyage au cours duquel j’invite les auditeurs à découvrir la palette sonore de mon instrument et la conception très orchestrale que j’en ai.

Vous êtes le premier Français a avoir été admis à la Philharmonie de Vienne. Comment s’est passée votre entrée en 1998 dans cette prestigieuse phalange ?

X. d. M. : La Philharmonie de Vienne c’était un rêve de gamin. Je regardais tous les ans le Concert du Nouvel An et je disais à mes parents « un jour je serai là » ; ce qui faisait un peu sourire tout le monde… Le hasard a voulu qu’une place se libère à Vienne au moment où j’étais en âge de présenter le concours d’entrée. J’ai été admis, j’ai eu beaucoup de chance car ils m’ont immédiatement déroulé le tapis rouge. C’était le bonheur absolu que de me retrouver à l’Opéra de Vienne, en contact avec les plus grands chanteurs, puis à la Philharmonie, sous la direction des plus grands chefs.

A propos de grand chef, vous donnez un concert les 14 et 15 janvier prochains au TCE avec Riccardo Muti et l’Orchestre National. J’imagine que vous connaissez bien cet artiste via la Philharmonie de Vienne. Etait-ce un souhait de sa part que vous avoir comme soliste ?

X. d. M. : Je dois dire que Riccardo Muti m’apprécie beaucoup et m’a déjà invité dans son festival à Ravenna. Il m’avait dit qu’il aimerait faire quelque chose avec moi à Paris. Restait à choisir le répertoire. Il ne connaissait pas le Concerto de Ginastera et j’ai réussi à le convaincre de l’apprendre pour moi. Je suis particulièrement heureux de présenter ce qui est presque mon concerto préféré sous la baguette de Muti à Paris et j’attends ce moment avec une très grande impatience.

Outre tout ce que l’on sait de vous sur le plan musical, vous êtes aussi diplômé de Sciences Po. Paris et de la London School of Economics. Que vous apportent aujourd’hui ces études générales par rapport à d’autres musiciens qui ont souvent vécu « sous cloche » jusqu’au début de leur activité professionnelle ?

X. d. M. : Une meilleure compréhension du monde qui nous entoure. Je lis au moins deux journaux par jour et j’aime comprendre, essayer de comprendre en tout cas, ce qui se passe. Peut-être une meilleure organisation, avoir les idées très claires pour développer des concepts et essayer de convaincre les gens. Ce n’est pas forcément le parcours que je conseillerais (rires). Dans ma famille il n’y avait jamais eu de musicien, la pression familiale à joué en faveur de ces études. C’était un peu le prix à payer avant de me consacrer à ma passion…

Propos recueillis par Alain Cochard, le 27 octobre 2009

(1) « Hommage à Haydn » - Orchestre symphonique de la Radio de Vienne, dir. Bertrand de Billy (Sony)

Récital Xavier de Maistre
Théâtre des Bouffes du Nord
Lundi 9 novembre – 20h30
www.bouffesdunord.com

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Photo : DR
 

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