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Paris - Compte-rendu : Une relecture brillante

Le Châtelet accueille la production lilloise de l’Orfeo monteverdien.
Qu’elle est bien vue cette proposition aussi séduisante que risquée tentée par Giorgio Barberio Corsetti, avec son premier acte qui fait écho au West Side Story de Bernstein : Orfeo est entouré par ses amis, une bande d’adolescents tous plus séduisants les uns que les autres qui se taquinent sur le pré à peine descendus de leurs vespa.

Un fort parfum d’homo érotisme plane sur la parenthèse heureuse qui débute l’opéra, largement assumé par la silhouette crâne et la gueule de minou de Michael Slattery, assez irrésistible par son jeu dynamique, ses sourires craquants. Et lorsque que l’on sait que sa mort sera inspirée par celle de Pasolini, cet Orfeo quasi gay (sensation encore augmentée par trois acrobates musculeux portant les attributs des satyres) dont les rapports avec Eurydice paraissent souvent fantasmatiques est un sacré pied de nez aux conventions qui ont toujours corseté l’Orfeo.

L’apparition de la Messagère (médusante Renata Pokupic, admirable de peine retenue) vient défaire la magie sensuelle et entraîne le poète dans le royaume de la mort, bien plus prosaïque que celui des vivants (le palais de Pluton est un salon télé). Corsetti a recourt avec efficacité aux projections (belle image du geste de La Musica endormant Caron dans sa barque) et mêle habillement transposition moderne et référence au temps de Monteverdi (la silhouette androgyne de Kerstin Aveno prise dans un tableau imité du Poussin).

Il faudrait détailler ici toutes les inventions poétiques dont Corsetti émaille l’action des deux derniers actes : allez voir le spectacle, il est peu probable que vous ne soyez pas ébloui par la qualité de ses idées. En fosse, Emmanuel Haim distille un orchestre d’une richesse entêtante : beaucoup de couleurs qui masquent ça et là une sensualité un rien timide surtout en regard de ce qu’offre la scène, mais fait montre d’un sens dramatique affûté. Si Slattery brille dans les ensembles, Possente spirto exige trop de sa voix encore bien jeune : on y aurait plutôt entendu l’un des pastori, Finnur Bjarnason, dont chaque intervention tenait du miracle et auquel revenait également un Apollon surprenant. Le Pluton de Paul Gay, la Proserpine touchante d’Aurélie Legay, tous étaient au diapason d’une production assez exemplaire.

Jean-Charles Hoffelé

Claudio Monteverdi, L’Orfeo, Théâtre du Châtelet, le 14 mai, puis les 16 et 18 mai.

L'Orféo en DVD.


Photo : DR

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