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Paris - Compte-rendu : Salomé à la Bastille. Pari tenu. Catherine Naglestad succède avec les honneurs à Karita Mattila.

Reprendre Salomé sans Karita Mattila qui avait assuré le triomphe d’un spectacle routinier où la lune continue à se déplacer parallèlement au sol, c’était courir le risque d’un échec. Gérard Mortier a été littéralement sauvé de son entêtement contre la soprano finlandaise par Catherine Naglestad, qui campait la saison dernière une Vittelia moins passe partout qu’on avait dit. Sa Salomé naturelle, aidée par un physique superlatif, se garde de tout excès, ne surjoue pas la tentatrice lubrique, tente de rentrer dans les illusions et les terreurs de cette jeune fille de quinze ans. La voix est franche, l’émission parfaite, un peu blanche en début de représentation mais déliée et percutante lorsqu’il le faut, le style, un allemand exemplaire, ne méritent que des éloges. Danse des sept voiles incandescente, comme une sorte de suicide par la nudité qui en font autre chose que le numéro pseudo érotique habituel, scène finale aux tons quasi funèbres avec ce grave impressionnant et pas poitriné, qui rappelle Welistch elle même. Chapeau bas.

Qu’est-il arrivé à Evgeny Nikitin : son Jochanaan aphone ne s’entendait que lorsqu’il était sonorisé hors de plateau ; pas même une contre performance, une absence. Beau Narabooth, un peu trop timide, de Tomislav Muzez, tout comme son joli Page (Ulrike Mayer), juifs pinailleurs et insupportables comme ils doivent être, dominés de loin par Eric Huchet, mention spéciale au second Nazaréen de Paul Gay, Soldats un peu ballots.

On sait que Lev Dodin a assuré un service minimum quant à la direction d’acteur, Chris Merritt s’engouffre dans cette brèche et habite de son jeu hystérique le grand espace de l’esplanade centrale. On finirait par croire que Strauss a aimé écrire ce rôle pour un ténor, lui qui les détestait, tant Merritt pousse son personnage dans ses derniers retranchements, entre l’hallucination, la terreur et le désir, petit frère de Clytemnestre. Les réparties que lui sert Jane Henschel sont au même niveau.

Fascinant, vocalement époustouflant, ce sera avec Naglestadt la seconde raison pour laquelle vous ne pourrez vous passer de cette reprise. En fosse la direction très opulente d’Haenchen couvre un rien les chanteurs. Si elle manque de ces parfums africains dont Strauss a épicé sa nuit de Judée, le drame y est omniprésent.

Jean-Charles Hoffelé

Salomé de Richard Strauss, Opéra Bastille le 1er Octobre, puis les 4, 8, 14 et 18 octobre. Dernières places disponibles

Photo : Eric Mahoudeau/Opéra National de Paris
 

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