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Paris - Compte-rendu : Quelques visages de l'orgue


Climat bienfaisant, dans la lumineuse acoustique de Saint-Étienne-du-Mont, pour ce cinquième concert des Paris de la Musique, « festival classique et contemporain » organisé par Musique Nouvelle en Liberté. L'Orchestre de Bretagne ouvrit un programme tout français avec Pelléas et Mélisande de Fauré, d'une élégante limpidité et d'une force prenante : la température ambiante, à laquelle orgues et organistes sont habitués mais pas les musiciens d'orchestre, n'eut aucune incidence sur une plénitude et une spatialisation idéales, la chef britannique Andrea Quinn obtenant avec une souriante ferveur et concentration le meilleur de ses musiciens.

Avant la première audition à Paris du Deuxième Concerto pour orgue et orchestre de Thierry Escaich (photo), le compositeur rendit hommage à Messiaen : Alléluias sereins d'une âme qui désire le ciel de L'Ascension (II). Libre de rythme, voire rhapsodique, mais précis et objectif autant qu'il est possible, sans manifestation émotionnelle, poétique ou mystique – un Messiaen autrement, qui fait tendre l'oreille. À l'instar de son Premier Concerto (1995), Escaich retrouve dans le Deuxième – créé à Rennes en 2006 avec l'Orchestre de Bretagne – l'énergie, la densité et l'urgence, textures et rythmes imbriqués, qui sont sa marque la plus immédiate.

Après une mise en œuvre où le jeu des harmoniques sème le trouble pour discerner ce qui vient de l'orgue ou de l'orchestre, un combat de titans s'engage dans les règles de l'art : les interprètes ont offert des prodiges de dialogue/fusion – et de synchronisation – sur fond de tension permanente, à couper le souffle.

Rien de tel avec la création d'Accords tremblés (dériver-altérer) de Michaël Levinas, commande de MNL, avec toujours Escaich aux claviers. Sage à tous égards, la pièce apparaît telle une accumulation d'agrégats enflants et mouvants, progressant avec circonspection sur une échelle dynamique croissante – et n'utilisant l'orgue que dans ses composantes élémentaires. Une œuvre qui s'écoute aisément et semble redire l'appréhension ressentie devant l'instrument-roi par maints compositeurs, qui n'en sont pas familiers.

La soirée s'acheva plus qu'en beauté avec le prototype du concerto pour orgue français du XXe siècle : celui de Poulenc, et en soliste l'autre titulaire du lieu : Vincent Warnier, d'une aisance chaque fois vérifiée dans cette œuvre magistrale – de même cordes et timbales de Bretagne, parfaites. L'œuvre fut créée en 1938 chez la commanditaire, la princesse de Polignac, sur son propre orgue Cavaillé-Coll, par Maurice Duruflé (puis Salle Gaveau en 1939, par le même et Désormière), Poulenc s'étant tourné vers l'organiste de Saint-Étienne-du-Mont pour choisir les registrations de son Concerto : celui-ci est chez lui sur la Montagne Sainte-Geneviève. Un concert de pure séduction à revivre le dimanche 4 janvier à 13 heures sur France Musique.

Michel Roubinet

Festival Paris de la Musique, concert du 13 novembre 2008, Saint-Étienne-du-Mont

Sites Internet :

Musique Nouvelle en Liberté : http://www.mnl-paris.com

Thierry Escaich : http://thierryescaich.artistes.universalmusic.fr/

Orchestre de Bretagne : http://www.orchestre-de-bretagne.com/

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Photo : Stefano Bianchi

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