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Paris - Compte-rendu : Presque le bonheur


Pelly signe un très joli Elisir d’amore dans le cadre surdimensionné de Bastille. Ca y est, Laurent Pelly et ses acolytes ont encore frappé, mais d’une dextre plus légère qu’à l’habitude. On gardera longtemps en mémoire les savoureux décors de Chantal Thomas qui dégagent un joli parfum de Cinecitta, avec leurs campagnes d’Italie des années cinquante où passent des cyclistes de village et où Adina lit son Tristano e Isota sur une montagne de ballots de paille.

Pelly met juste ce qu’il faut de charge à Belcore, campé par un Laurent Naouri de plus en plus bête de scène, et sait rendre falot à souhait mais aussi diablement attachant le Nemorino si justement dadais de Paul Groves. On comprend dés l’entrée en scène d’Ambrogio Maestri que Pelly n’aura quasiment rien eu à lui demander : celui qui est le Falstaff naturel de sa génération brûle les planches et en deux gestes campe un Dulcamara vénal et bonhomme d’une telle vérité qu’elle en écarte toute tentation de surlignage. Et comme la voix est splendide, ample, pleine, gorgée d’un italien aussi sonore qu’irrésistible.

Ceci dit, le théâtre naturel de Maestri n’est que pure routine, mais si sa prestation brille autant, c’est aussi par contraste avec celles de ses comprimari : Heidi Grant Murphy joue la carte du charme avec son talent habituel, mais son sopranino souffre dans la tessiture d’Adina et elle doit pour donner du volume, forçant jusqu'au danger sur sa voix : justesse approximative et détimbrages sont légions. C’est l’italien et le style – ce bel canto juste un peu dévoyé imaginé spécialement par Donizetti pour cette partition coulée de sa plume en une dizaine de jours – qui font cruellement défaut à Naouri et hélas aussi à Paul Groves jusque dans son trop joli « Una furtiva lagrima ».

En fosse, Eward Gardner dirige neutre, certain de garder le cap du bon goût, et oubliant du coup le giocoso, la folie douce que la mise en scène exalte pourtant. Que ce spectacle charmant se serait mieux épanoui à Garnier, surtout avec cette distribution trop légère pour Bastille. Résultat, Maestri triomphait. Au moins Paris l’aura découvert !

Jean-Charles Hoffelé

Donizetti, l’Elisir d’amore, Opera Bastille, le 11 juin 2006

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Photo : Eric Mahoudeau/Opéra National de Paris

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