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Paris - Compte-rendu - Pour qui sonne le glas ? Chostakovitch par l’Orchestre Philharmonique de Liège et Louis Langrée

Concert attendu que celui de la formation liégeoise et de Louis Langrée (photo ci-contre) qui en est le chef depuis deux ans et demi maintenant, secondé par la direction avisée de Jean-Pierre Rousseau. Le travail assidu des deux hommes avec l’orchestre a porté ses fruits.

Dès la Berceuse Héroïque de Debussy, le quatuor fit entendre une palette de gris colorés d’une émouvante subtilité. L’orchestre présente une pyramide des âges assez étendue qui en assure la cohésion stylistique, le renouvellement progressif des pupitres stratégiques (les bois, les vents, la percussion, les alto, excellents), ayant fait entrer le sang neuf qui faisait défaut au Philharmonique lorsque Pierre Bartholomée en abandonna la direction en 1999 après un quasi quart de siècle de présence.

La direction toute en nuances de Langrée allait comme un gant à la conception de David Garrett qui entendait son Concerto de Tchaïkovski avec une tendresse et une un sens expressif rare. Garett possède une des plus belles sonorités de l’heure, un archet narratif et il a trouvé les chemins secrets de la partition que tant d’archets continuent de soviétiser.

En seconde partie, Langrée renouvelait un défi qu’il a déjà remporté plusieurs fois, celui de donner une tension incessante à la terrifiante 11e Symphonie de Chostakovitch, vaste plongée dans le chaos des émeutes de 1905 et de leur sanglante répression, alternant des musiques raréfiées et des crescendos apoplectiques. Sa gestique élégante (elle n’est pas sans rappeler celle de Cluytens, la baguette en moins) et précise sait maintenir la tension nécessaire à cette œuvre funèbre. La salle fut tenue en haleine jusqu’au terrible paroxysme des dernières pages, entonné par les figures du contrebasson et des bassons. Le pupitre de percussion, porté par un orchestre en tempête, assena cette « mort par le son » à laquelle Chostakovitch songeait en écrivant la péroraison. Les cloches, souvent noyées dans la masse de l’orchestre frappèrent l’auditeur avec une violence de pure terreur.
Pari tenu et réussi : ce tocsin sonnait bien la fin des ultimes illusions du compositeur.

Jean-Charles Hoffelé

Concert de l’Orchestre Philharmonique de Liége dirigé par Louis Langrée avec David Garrett, violon, Paris, Théâtre des Champs-Elysées le 5 mars 2004.

Théâtre des Champs-Elysées

Photo : DR
 

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