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Paris - Compte-rendu : Pour Desdémone. Otello à la Bastille
On a ça et là manucuré la médiocre routine de la production Serban. Pas assez pourtant : ni Iago cassant sa glace avec le crâne de Yorick, emprunté à une autre tragédie shakespearienne, ni Otello tenu en laisse par Iago à la fin du III, ni Otello disposant ses plumes de corbeaux autour de la couche mortifère de Desdémone n’ont disparus. Pourquoi priver ce spectacle de ses rares atouts comiques même si ils sont hors propos ? Il ne faut pas perdre une occasion de rire, la vie est trop courte.
Le comble c’est que la direction à la petite semaine de Valery Gergiev nous ferait malgré tout Otello trop long. Une tempête dans un dés à coudre dont la gamme ascendante d’ouverture est pitoyablement savonnée par une gestique approximative, les deux premiers actes sans tension, sans accent, sans pour tout dire le moindre caractère pour ne pas évoquer la connaissance du style de verdi et de l’opéra italien que le chef russe ignore somptueusement.
Si Galouzine est le seul Otello possible aujourd’hui, alors il faut mieux ranger le chef d’œuvre du maître de Bussetto au musé : un tel malcanto est simplement inimaginable, la polenta de Boito qu’il nous sert indigeste. On guettera en vain le moindre phrasé, quant aux aigus jadis bombardés (ce qui déjà était un crime), ils se limitent aujourd’hui aux pétards mouillés. Le Iago transparent de Carlos Alvarez, avec ce baryton dur et avare de couleur, ne vient pas relever un plateau où Gordon Gietz, excellent, ne fait tout de même oublier le Cassio de Jonas Kaufmann.
Il faut espérer encore une fois en Desdémone, et pour le coup, impossible d’être déçu. Même si Soile Isokoski n’a pas la vocalité naturellement italienne, la justesse psychologique de son incarnation, la pureté et la souplesse expressive de son grand soprano lyrique nimbait la soirée d’une certaine grâce. Gergiev retrouvait un rien de morbidezza pour les deux derniers actes, mais commettait d’irréparables fautes de style, brusquant des accents, provoquant des effets qui se dégonflaient aussitôt. Quand comprendra-t-il que Verdi n’est pas Puccini et que le style du second est incompatible avec celui du premier ?
Jean-Charles Hoffelé
Otello de Guiseppe Verdi, Opera Bastille, le 21 février 2005, et les 24, 27 février, 2, 5, 8 et 10 mars.
Photo: Eric Mahoudeau
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