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Paris - Compte-rendu - Nina Stemme : die Stimme*


Si le destin en avait voulu autrement, nous aurions déjà dû entendre Nina Stemme en mai 2007 ; prévue initialement dans la Salomé de Strauss, la cantatrice suédoise avait laissé la place à Janice Baird, à Strasbourg et à Paris, Salle Pleyel. C’est donc en récital que le public parisien a pu applaudir ce grand soprano auréolé de gloire wagnérienne (elle est l’Isolde du moment !) et verdienne, invitée à Bayreuth, Glyndebourne, Vienne, Zürich, Londres ou Barcelone, mais boudé par nos responsables français (il va falloir patienter jusqu’en 2010 pour l’entendre dans Tannhäuser à la Bastille).


Dès les premières notes, chaudes, longues, aux reflets roux, la voix étale de Stemme s’impose à vous, avec douceur, mais aussi persuasion. L’instrument est homogène, d’une belle robe et la musicienne sait faire claquer la langue norvégienne avec une grande netteté, impression qui ne fera que s’amplifier tout au long de la soirée, en allemand, en finlandais et en russe. Posée, sûre d’elle, sans effet superflu, toujours prompte à illustrer son propos d’un geste à peine esquissé, son chant est d’une grande expressivité qu’il s’agisse de dépeindre l’arrivée du printemps (Varen, autrefois défendu avec la même pureté par Kirsten Flagstad), la discrétion apeuré d’un cygne (En Svane, cheval de bataille du ténor Jussi Björling) ou le trouble provoqué par un nénuphar blanc (Med en vandlilje).


Après ces Grieg sur lesquels passaient d’entêtants parfums, la cantatrice avait choisi les Wesendonck-Lieder de Wagner (qu’elle a enregistrés chez Phaedra avec le pianiste Jozef de Beenhower), abordés avec une grande sûreté d’expression et une variété de tons absolument magnifiques. Le galbe de cette voix large, sombre et d’une infinie souplesse, convient idéalement à des pages qui requièrent une émission noble et une musicalité irréprochable. Seul regret, le jeu lourd et appliqué de Bénédicte Haid qui, au lieu de susciter l’évocation et d’accompagner la pensée de l’artiste, notamment au cours du célèbre Traüme, enchaînait les accords sans grâce.


L’entracte passé, Nina Stemme retrouvait les contrées enneigées et les pâles soleils d’hiver chers à Sibelius, avec 5 mélodies de l’Opus 37, d’une tenue vocale et d’une richesse poétique admirables, ici encore sans appui artificiel, ni trait inutile, mais avec une profondeur et des accents à la fois pudiques et sincères : merveilleuse berceuse Lasse liten et impressionnante Fille qui revient des bras de son amant, froidement touchée au cœur. La cantatrice refermait cette seconde partie avec quelques mélodies de Rachmaninov, dans un russe parfaitement dominé. Après tant de rondeur et de graves chaleureusement négociés, la soprano sereine et animée, avait l’occasion de se confronter à une tessiture plus élevée, notamment avec la brûlante Ne chante pas en ma présence, sur un poème de Pouchkine, puis au cours de l’exaltation suscitée par les Eaux printanières, ciselées et vibrantes.


Cerise sur le gâteau, Nina Stemme est revenue pour quatre bis, dont deux en français (Kurt Weill), un Grieg et un Strauss (Zueignung), une « Dédicace » longuement applaudie par un public conquis.


* La voix



François Lesueur




Paris, Salle Pleyel, 17 février 2009



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Photo : DR

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