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Paris - Compte-rendu - Les Nozze di Figaro au TCE - Rosine


Rien de nouveau dans la production de Jean-Louis Martinoty, toujours encombrée de citations picturales et trop boulevardière pour rendre justice à Da Ponte comme à Beaumarchais, nous n’avons donc rien à retrancher de notre premier compte–rendu (lire l’article), mais une distribution tout à fait renouvelée – seul rescapé, Pietro Spagnoli a creusé son Comte - et dans la fosse le feu, la verve, la poésie des Musiciens du Louvre en place du ton martial et sec de Concerto Köln, cela suffisait pour faire malgré la scène une matinée gagnante.

Certains auront beau jeu de trouver le Figaro de Vito Priante incolore : si il ne compose pas un personnage aussi intrigant qu’Alex Esposito, le Figaro d’aujourd’hui, si il ne retrouve pas le timbre de vrai basse d’un Luca Pisaroni, héros des précédentes reprises, son barbier affiche un naturel déconcertant, une sorte de modestie qui balaie tous les poncifs du personnage, tout comme le Comte de Pietro Spagnoli, jamais chargé mais assez dangereux tout de même, qui s’est enrichi, de timbre et de psyché, depuis son portrait pâli des reprises de 2004.

Olga Peretyatko, dont le soprano lumineux semblait avoir plus de médium lors de ses remarquables Anne Trulove in loco, veut sa Suzanne trop soubrette. Elle a la voix du bon dieu et pourrait lui donner plus de corps si elle le voulait, et comme elle le fait d’ailleurs soudain au IV.

Tout le théâtre était à genoux devant le Chérubin nostalgique et éperdu d’Anna Bonitatibus : un personnage oui, mais d’abord une musicienne consommée, qui va derrière les mots trouver l’émotion. Simplement magique, et de technique comme d’art assez proche de la manière d’une Joyce DiDonato (dont on peut entendre l’Idamante à Garnier depuis vendredi - courrez-y !). Une nouvelle race de chanteuses à texte, dotées de voix souples, aux couleurs ductiles, à la vocalise aisée, paraît enfin, ce ne sont ni Mozart ni Haendel qui s’en plaindront.

Toutes les utilités sont piquantes à souhait – Sophie Pondjiclis dont la Marcelline sans caricature se débrouille avec art du « Capro e la Capretta », Amanda Forsyth, parfaite Barberine au soprano plus corsé qu’à l’habitude, elle a déjà le format d’une Suzanne comme on les aime, Jean-Paul Fouchécourt irrésistible de drôlerie sans jamais solliciter la veine comique pourtant, un excellent Antonio, Davide Pellissero, sobre malgré son alcool, seul Antonio Abete, de voix sinon de caractère, nous chantait son Bartolo un peu court.

Toute cette troupe nous fait vraiment une folle journée, entraîné par la battue sans frein de Marc Minkowski, inventive, surprenante toujours, d’une incroyable vivacité mais sachant aussi suspendre le temps pour débusquer les âmes, ou exalter les parfums du jardin nocturne au IV.

Du coup tant de théâtre et de poésie dans la fosse accusent le discours un peu pédant de Martinoty, et soulignent ces quelques faux moments dramatiques : on ne voit pas le « Porgi amor » que l’on entend, et l’on préfère de beaucoup le second. Car il y miracle : une Rosine au timbre fruité, au médium ample et tenu, à l’aigu mordoré, qui réussit avec un égal bonheur et « Porgi amor » et « Dove sono », la grâce à l’état pur (qu’un soutien plus conséquent affermira encore). Une Comtesse comme cela nous n’en avons plus eu depuis Lisa della Casa, retenez bien son nom : Maija Kovalevska.

Jean-Charles Hoffelé

Wolfgang Amadeus Mozart : Le Nozze di Figaro, Théâtre des Champs-Elysées, le 1er mars, puis les 3, 5 et 7 mars 2009

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Photo : Alvaro Yanez

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