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Paris - Compte-rendu : Les jeunes musiciens français piaffent dans l’arène

Voilà une rentrée symphonique gouleyante, marquée au sceau de la jeunesse, de son bouillonnement discipliné par un maître, d’un reste de verdeur au relent de vin herbé. Dominique Meyer accueillait, en effet, samedi soir, dans son Théâtre des Champs-Elysées, l’ultime concert de la tournée d’été de l’Orchestre Français des Jeunes dont il est président. A leur tête, le plus juvénile de nos chefs, Jean-Claude Casadesus (photo), le plus apte de tous à motiver les jeunes. Et ce n’est pas sa mère, Gisèle Casadesus, petit bout de femme vif-argent , assise à la corbeille qui dira le contraire : la générosité est une marque de famille. Le fondateur de l’Orchestre National de Lille a littéralement porté au bout de ses grands bras aux gestes aussi précis qu’enflammés cette troupe de jeunes instrumentistes issus des conservatoires de tout l’Hexagone, de Poitiers à Metz en passant par Aubervilliers, Bordeaux, Lyon, Limoges, Nantes, Créteil, Boulogne, Saint Etienne, Marseille, Dijon ou Angers. Et la liste n’est pas limitative !

La principale vertu de Lumen de Régis Campo qui tient lieu d’ouverture est d’ordre pédagogique : ce melting-pot constitue la meilleure initiation à la variété des styles, de Messiaen à la comédie musicale, sollicitant successivement les différents groupes instrumentaux. Musique française toujours avec le 2e Concerto pour piano de Saint-Saëns qui voit l’excellent Nicolas Angelich se mêler aux cadets. Il a une conception sérieuse, disons brahmsienne de l’auteur du Carnaval des animaux : pourquoi pas ? D’autant que côté virtuosité, il assure. N’empêche que Brahms affirma un jour à Henri Busser venu le saluer à Vienne : « Il n’y a pas de compositeurs français ». C’est dur. Même après la défaite de 1870 !

Le plat de résistance vint après l’entracte avec la célébrissime 1ère Symphonie « Titan » de Mahler, façon de précipiter les jeunes dans le grand bain. Là, Jean-Claude Casadesus a mouillé sa chemise pour réussir à transcender les qualités individuelles variables de chacun en une entité d’ensemble supérieure. A quelques rares faiblesses près, le résultat tient la route et les promesses. Ce cru 2007 correspond aux 25 ans de l’OFJ créé par Maurice Fleuret sous le premier ministère Lang. On y retrouve le reflet direct des résultats de la réforme de l’enseignement musical de Marcel Landowski lancée à la fin des années 60 et dont nous récoltons aujourd’hui les fruits : une petite harmonie irréprochable au son fruité, des cuivres solides – ils ne sont pas peu fiers, à juste titre, les huit cors lorsqu’ils se lèvent pour entonner le thème du dernier mouvement ! – excellence des cordes graves, seuls les violons restant encore « convalescents ». Mais on a connu pire !

Ce qui compte, c’est qu’en 25 ans, un nouvel esprit s’est développé parmi les musiciens français qui témoignent désormais à la fois de plus de curiosité et de plus de courage. Ils ont reçu et restitué sans rien en laisser perdre tout l’enthousiasme que le chef a su leur insuffler. Il leur a fait prendre des risques, mais en les tenant ferme, sans les lâcher une seule seconde, pour les mener à la victoire. C'est-à-dire au dépassement de soi au sein de la collectivité. C’est cela la vertu civilisatrice de la musique. Puisqu’on a trouvé l’oiseau rare qui conjugue compétence, enthousiasme et sens pédagogique, pourquoi ne pas lui confier la responsabilité d’animer ce grand pôle de formation des jeunes musiciens et du jeune public sans lequel toute tentative de faire vivre un auditorium de plus de 2000 places serait totalement vaine ?

Jacques Doucelin

Théâtre des Champs-Elysées, le 8 septembre 2007

Programme du Théâtre des Champs-Elysées

Photo : DR
 

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