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Paris - Compte-rendu - Le Philharmonique répond présent


Au cours de ses dix-neuf années d’existence, le Festival Présences a connu formats et fortunes diverses. Par volonté de rayonner hors de Paris autant que par nécessité (du fait des travaux entrepris dans la Maison de la Radio), le festival de musique contemporaine est depuis deux saisons éclaté en plusieurs lieux et quelques week-ends, dont le quatrième pour cette édition 2009, retrouvait son écrin originel. Au gré de ces avatars, ce qui ne change pas, en revanche, c’est l’implication de l’Orchestre Philharmonique de Radio France.

Michaël Levinas était le premier à être célébré sur la scène de la Salle Olivier Messiaen, d’abord comme interprète des deux premières études pour piano de György Ligeti (1923-2006) où le compositeur hongrois appose sa signature par une polyrythmie inventive. Michaël Levinas choisit de ne pas la souligner outre-mesure. Au contraire, sa lecture apparaît plutôt coulée et les différents niveaux de vitesses simultanées semblent ici se résoudre aisément plutôt qu’ils n’apportent de l’hétérogénéité. À l’écoute d’Évanoui, la pièce pour grand orchestre de Michaël Levinas donnée ensuite en création, on comprend ce que le pianiste a voulu mettre en avant et que le compositeur a poussé plus loin. Appliquée au grand orchestre, auxquels s’adjoignent un ensemble des cordes pincées et percussions ainsi que l’électronique, ces rythmes multipliés créent une étonnante « polyphonie-timbre », selon les mots du compositeur, et surtout un langage poétique et inventif qui est parvenu à conquérir le public.

Autre création au programme, défendue par deux solistes hors pair (Tabea Zimmermann et Antoine Tamestit), le Concerto pour deux altos de Bruno Mantovani (né en 1974) retourne le principe du concerto en faisant reposer son imposante stature (une quarantaine de minutes) sur le jeu des deux altos, lancés seuls durant les quatre premières minutes. Conçue en seul mouvement, comme d’autres de ses compositions récentes pour ensemble, l’œuvre repose sur un dialogue du duo de solistes avec l’orchestre qui est parfois assez convenu (interventions assez systématiquement brutales et percussives de l’orchestre sur le tissu mélodique immuable des altos), mais la densification progressive de l’écriture orchestrale apporte un éclairage mouvant du discours des solistes. Remarquable de concentration, l’Orchestre Philharmonique de Radio France s’est montré particulièrement attentif à la direction précise de Pascal Rophé (photo). Dans Fulgur de Serge Nigg, disparu l’an dernier, elle se faisait plutôt cinglante. Si l’œuvre a ses qualités expressives, qu’elle emprunte à Stravinsky ou à Messiaen, on peut toutefois se demander si elle avait vraiment sa place dans un « festival de création musicale ».

Illustration parfaite des possibilités d’un orchestre « à géométrie variable », d’autres musiciens du Philharmonique, moins nombreux, prenaient place le lendemain sur la scène de la Salle Olivier Messiaen. Co-fondateur de l’ensemble L’Itinéraire en 1973, Roger Tessier (né en 1939), reste fidèle à l’esthétique spectrale, sensible au début de La Mémoire de Narcisse, diptyque symphonique de couleurs plutôt sombres, tourmenté et hiératique. Dirigés par leur « chef associé » François-Xavier Roth et emmenés par leur violon solo Svetlin Roussev (succédant à Elisabeth Balmas qui officiait la veille), les musiciens du Philharmonique accueillait ensuite l’une des leurs, Hélène Collerette, en soliste de la magnifique Partita de Lutoslawski (1913-1994), jouée avec un grand sens de l’articulation. Les deux dernières œuvres au programme avaient en commun l’usage de sons échantillonnés, évocation du monde quotidien. Regardez-le ! de Pierre Charvet (né en 1968) étonne, moins pièce de concert que montage sonore. Quant à City Life (1995), partition déjà classique de Steve Reich (né en 1936), elle bénéficie sous la direction de François-Xavier Roth d’une interprétation haute en couleur, où sons électroniques et instrumentaux trouvent leur parfait équilibre.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Maison de Radio France, vendredi 6 et samedi 7 mars 2009

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Photo : DR

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