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Paris - Compte-rendu : Flamboyant retour

Cela faisait dix ans qu’il n’était pas venu en France. Dix ans que l’on attendait impatiemment son retour. Dix ans qu’il fallait se contenter d’écouter et de réécouter ses nombreux enregistrements. Et puis, ce samedi 25 mars, répondant à l’invitation de la Fondation Hadassah France (1), Itzhak Perlman (photo ci-contre) nous est revenu en compagnie du pianiste Bruno Canino pour un récital exceptionnel.
Exceptionnel par son caractère d’unicité, exceptionnel également par sa qualité.

Ces deux artistes nous ont démontré que la conjugaison (conjugaison et non juxtaposition) de talents ne pouvaient offrir aux personnes présentes (environ 1700) qu’un récital à tout jamais inoubliable.
La Sonate en si bémol majeur K. 454 de Mozart, écrite dans un style très concertant (préfiguration de la Sonate « à Kreutzer » de Beethoven, ne pouvait trouver interprètes plus à l’écoute l’un de l’autre, chacun suivant — et même anticipant — les intentions de son partenaire. Dès la première œuvre, on s’est rendu compte que l’archet de Perlman possède toujours une merveilleuse palette de mille inflexions, que sa main gauche d’une sûreté phénoménale est capable de toutes les nuances de vibrato, du plus lent (à la limite de la rupture) au plus rapide, que sa sonorité est toujours aussi pleine, aussi rayonnante, aussi chaleureuse ; chez Bruno Canino, ce qui frappe et subjugue, c’est cette faculté de faire chanter son piano, d’en renouveler sans cesse les timbres en variant le modelé des phrasés, de trouver des accents nouveaux en modifiant constamment sa manière d’articuler chaque groupe de notes.

D’emblée, on savait que l’on allait assister à quelque chose de fabuleux, et ce fut bien le cas. La Sonate n°7 en ut mineur op 30 n°2 de Beethoven fut l’un des très grands (il n’y en eut pas de petits) moments de ce récital. Les deux artistes firent ressortir, avec une subtilité confondante, tout ce que cette grande page contient d’enthousiasme juvénile, mais également de détresse face à l’infirmité croissante. Puis ce fut la Sonate en sol mineur de Debussy, telle que l’on l’entend très peu — pour ne pas dire jamais — en concert ; un souffle ardent traversait l’œuvre de bout en bout, mettant en évidence la passion et la fantaisie qui règnent dans cette ultime partition de Claude de France ; l’« harmonieuse fusion » (Harry Halbreich) entre les deux instruments était alors totale. Pour conclure leur récital, les deux musiciens avaient choisi des pièces plus légères réservées en général aux « bis » ; Perlman a su alors émouvoir dans la Mélodie de Gluck transcrite par Kreisler ou dans le thème du film « La liste de Schindler » de Williams, puis éblouir dans la Toccata de Paradies dans un arrangement d’Heifetz, dans le Tambourin chinois de Kreisler ou la virevoltante Danse des lutins de Bazzini. Réflexion faite, voici deux musiciens qui sont parvenus à l’âge de la pure expression musicale.


Xavier Rey

(1) Rappelons que cette soirée était donnée au profit du nouveau Centre pour enfants atteints de maladies chroniques de l’Hôpital Universitaire Hadassah de Jérusalem.

Théâtre des Champs Élysées, Samedi 25 mars


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