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Paris - Compte-rendu : Entre tradition et modernité


La création du Concerto pour violon op 45 du compositeur franco-suisse Richard Dubugnon était un événement parisien attendu. La venue du chef d’orchestre finlandais Esa-Pekka Salonen (photo) – dont on connait le charisme – apportait un supplément d’intérêt à ce concert de l’Orchestre de Paris, d’autant plus que la violoniste, la Néerlandaise Janine Jansen, est une soliste d’une classe, d’un engagement et d’une perfection exceptionnels. Dommage que tant de moyens mis en œuvre laissent quelque peu interrogatifs.

Certes, Richard Dubugnon possède un métier indéniable. Pourtant, la conception rhapsodique de son œuvre (dont il donne d’ailleurs dans la notice du programme une explication très précise et détaillée) ne semble pas s’éloigner d’un certain conservatisme. Malgré des intentions louables (l’emploi de procédés cinématographiques appliqués au son, un final qui se réfère aux projections de diapositives), un sentiment de déjà entendu prédomine.
On ne peut pas reprocher au compositeur d’utiliser la forme sonate avec une construction en trois parties tour à tour vif-lent-vif, ni de trouver son miel chez ses aînés (de Szymanowski à Sibelius, de Dutilleux à Bernstein …), ou encore dans la musique bulgare, voire dans les rythmes d’aujourd’hui. Toutefois, la merveilleuse interprétation de Janine Jansen et l’attention de l’Orchestre de Paris ne peuvent empêcher que l’on ressente, au terme de quarante minutes d’ailleurs variées, un sentiment mitigé. En effet, le meilleur et l’original voisinent sans transition avec une rumination parfois triviale mais orchestralement séduisante.

Après l’entracte, Das klagende Lied, vaste fresque en deux parties écrite par un Gustav Mahler de 20 ans et remaniée à deux reprises, semble par comparaison défier le temps en dépit d’imperfections factuelles dues à son inexpérience. Le futur auteur du Chant de la Terre est déjà en germe dans cet immense oratorio où les voix alternent de manière discontinue au milieu d’épisodes orchestraux et d’interventions des chœurs. Salonen prend la distance suffisante pour ne pas se laisser envahir par l’expression contenue dans cette partition fleuve, et les solistes (la soprano Melanie Diener, l’alto Lilli Paasikivi, le ténor Jon Villars et la basse Sergeï Leiferkus), malgré des bonheurs divers, rendent bien compte de la saisissante intensité de ce chant de la plainte. Les chœurs, ceux de l’Orchestre de Paris et surtout les remarquables Tölzet Knabenchor préparés par Gerhard Schmidt-Gaden, participent à la réussite de cette résurrection que l’on aimerait entendre plus souvent.

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel, 17 décembre 2008

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Photo : DR

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