Journal

Paris - Compte-rendu - Bychkov et ses musiciens en apnée


Parfois décrié lorsqu’il était à la tête de l’Orchestre de Paris, Semyon Bychkov a, depuis, prouvé tant dans le domaine de l’opéra que dans celui de la musique symphonique toute l’étendue de son talent (cf. le récent Tristan et Isolde à la Bastille). En début de soirée, avec l’Orchestre de l’Opéra National de Paris, il aborde Métamorphoses de Richard Strauss, pièce pour orchestre à cordes – qui remplace les lieder que devait à l’origine chanter le ténor Ben Heppner. Plutôt que de privilégier le regard mélancolique et le caractère funèbre ressenti par le compositeur après les désastres de la Seconde Guerre mondiale, Bychkov préfère le lyrisme, la vocalité en grand chef de théâtre qu’il est. Sans jamais forcer le ton, mais avec une maîtrise constante, il parvient avec les admirables musiciens à cordes de l’Orchestre de l’Opéra à obtenir un grain sonore et une densité de son proches de la perfection.

La Symphonie n°7 « Leningrad » op 60 de Chostakovitch est l’un des chevaux de bataille du chef d’origine russe. Sa conception s’est modifiée et a gagné en profondeur et en clarté. Au lieu de mettre en avant le côté « peplum » soviétique de la partition, il nuance, s’attachant là encore plutôt qu’au bruit et à la fureur, aux élans de passion, d’enthousiasme, ceux d’un compositeur qui, en 1942, dans la ville de Leningrad assiégée, se fait le chantre de l’âme russe face à l’hostilité de l’ennemi. Chaque instrumentiste adhère à cette vision et l’on remarquera entre autres le timbre mélancolique du hautbois de Jacques Tys dans le Moderato ou la sonorité éthérée de la flûte de Frédéric Chatoux dans l’Adagio si désolé. À l’issue de ce concert abouti, le public, hélas dispersé, fait à tous les musiciens, à juste titre, un triomphe mérité.

Michel Le Naour

Paris, Opéra Bastille, 16 janvier 2009

> Les prochains concerts à l’Opéra Bastille

> Lire les autres articles de Michel Le Naour

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles