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Paris - Compte-rendu - Boulez à la Cité de la musique - Virtuosités et résonances contemporaines


En 1994, Pierre Boulez composait pour le Concours international de piano Umberto Micheli de Milan une brève pièce, intitulée Incises. Comme souvent chez le compositeur d’…explosante/fixe…, ces quelques minutes de musique allaient devenir le point de départ d’une oeuvre aux développements proliférants.

Membre de l’Ensemble intercontemporain depuis 1996, lauréat du Concours international d’Orléans en 1998, Hidéki Nagano (photo) a donné une lecture parfaite de cette pièce longue d’une bonne dizaine de minutes, extrêmement mobile, mélange de jeux de résonances et de mouvement perpétuel.

Cependant, dans la production boulézienne, Incises vaut surtout pour l’extrapolation qu’elle a permise. En deuxième partie de concert, le compositeur dirigeait sur Incises, monumentale fresque sonore d’une invention extrême créée dans ses versions successives entre 1996 et 1998. La virtuosité époustouflante de la pièce pour piano s’y retrouve, mais démultipliée par une formation instrumentale originale : trois pianos, trois harpes, trois percussions (xylophone et marimbas essentiellement). Sous la direction de Pierre Boulez, les jeux de résonance sont magnifiés, soutenus par une inaltérable tension rythmique – qui fait ressortir avec plus d’étrangeté encore les quelques moments d’apesanteur, telle cette transition entre les deux parties confiée aux steel-drums.

En regard, Pierre Boulez dirigeait auparavant, juste après Incises, une œuvre d’Elliott Carter contemporaine de sur Incises. Le Concerto pour clarinette, commandé et créé par l’Ensemble intercontemporain et son clarinettiste Alain Damiens en 1997, partage au moins deux caractères avec l’oeuvre de Pierre Boulez : la virtuosité rythmique et la transparence de l’orchestration. Jérôme Comte, qui a rejoint Alain Damiens au sein de l’Ensemble intercontemporain en 2005, en livre une interprétation exceptionnelle. Dès le Scherzando introductif et tout au long des six mouvements enchaînés, le jeune soliste répond avec vigueur à la virtuosité réclamée par les longues phrases musicales écrites par le compositeur américain.

Dans cette oeuvre où l’orchestre est divisé en groupes homogènes (harpe et piano, cordes, cuivres, vents), en charge chacun d’un mouvement de l’œuvre, Pierre Boulez offre la clarinette un accompagnement d’une parfaite transparence et d’une énergie remarquable, à la fois miroir et contrepoint du jeu du soliste. Encore une fois, l’Ensemble intercontemporain, à son meilleur niveau, a révélé avec éclat deux chefs-d’œuvre d’aujourd’hui.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Cité de la musique, 24 mars 2009

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Photo : Aymeric Warmé-Janville

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